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les difficultés fondées sur le simple raisonnement, et l’accablaient avec un zèle amer sous les foudres de l’Écriture. Il a été dit par exemple : Le ciel est en haut et la terre en bas. — Si la terre tournait dans un cercle qui embrasse Mercure, Vénus et le soleil, serait-elle réellement située en bas ? — Lorsque Josué a défendu au soleil de se mouvoir vers Gabaon, Dieu, obéissant à sa voix, l’a arrêté au milieu du ciel ; on ne peut ni l’ignorer ni l’oublier. — C’est donc le soleil qui se meut ; arrête-t-on ce qui est immobile ? Quand l’ombre rétrograda sur le cadran d’Achias, le soleil remonta de dix degrés ; suivant les partisans de Copernic, la terre a rétrogradé et non le soleil ; l’embarras d’une telle interprétation est manifeste. Isaïe, inspiré de Dieu, était pénétré de la sagesse à laquelle rien n’est caché ; il savait la vérité. Que lui eût-il coûté de la dire nettement ? Tous ces argumens, mêlés d’invectives et d’outrages, étaient puisés dans le livre dont il faut observer et croire les paroles sous peine d’être maudit. Imprimés de plus avec approbation de la cour de Rome, dont l’examinateur, qui les avait lus avec beaucoup d’attention et de plaisir, les déclarait solides et bien appuyés sur l’Écriture, ils paraissaient d’ailleurs sous la protection personnelle d’Urbain VIII. On voit en effet sur le frontispice de l’ouvrage qui les résume les trois abeilles des Barberini appuyer avec force leurs antennes sur le globe de la terre, et on lit au-dessus : His fixa quiescit (fixé par elles, il repose).

Galilée ne répondit rien. Il fut plus hardi vis-à-vis des péripatéticiens, qui lui opposaient l’autorité d’Aristote. La réfutation était facile, et leur ignorance, égale à leur emportement, semblait plus digne de mépris que d’une réponse sérieuse. On peut en juger par les annotations équitables, quoiqu’un peu vives, écrites de sa main en marge du traité du péripatéticien Rocco : O elefante, dit-il en s’adressant à l’auteur ; puis il le nomme successivement pezzo di bue, animalaccio, ignorantissimo, castrone, meschero, capo grosso, animale, balordone, ignorantissimo bue, capo durissimo, grandissimo bue, sopra gli ignoranti ignorantissimo, arcibue, bue, tout cela pour lui-même bien entendu, et écrit à la main en marge de son exemplaire. Un tel livre serait tombé de lui-même ; Galilée prit cependant la peine de le combattre ; un peu ironique, mais courtois, il nomma cette fois l’auteur mio dolce et mio bello, et, s’il se laisse aller à montrer toute sa pensée, il en atténue l’expression. « Dieu veuille, dit-il, que l’obstination soit la seule cause de vos erreurs ! On en peut guérir, tandis que la stupidité et la faiblesse sont incurables. »

Tout cela n’était pas fait pour calmer les oppositions furieuses soulevées de tous côtés par la publication de ses Dialogues. Menacé