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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/482

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« En fait de surnaturel, j’admets Dieu et la Providence ; en fait de miracle, le miracle éternel et perpétuel de la création ; en fait de révélation, j’admets que Dieu se révèle par les lois de la nature et fait éclater sans cesse sa puissance, son intelligence, sa sagesse, sa justice, sa bonté. J’admets cela, rien de moins, rien de plus. Je ne sais si cette déclaration plaira à tous mes auditeurs ; mais on m’accordera que j’ai été fidèle à ma maxime : netteté dans les idées, sincérité dans les déclarations. » Cette ferme et noble déclaration de principes fut accueillie par tous les auditeurs avec une sympathie respectueuse, et le succès croissant de ses leçons vint prouver à M. Emile Saisset que la franchise unie à la modération désarme et subjugue toutes les opinions.

Ces leçons, d’un caractère si accentué, ont été presque les dernières qu’ait prononcées à la Sorbonne Emile Saisset. Elles seront importantes pour l’histoire du spiritualisme contemporain. Jamais, depuis Jouffroy, l’école spiritualiste n’avait accusé ses doctrines rationalistes avec autant de fermeté et de décision. Ceux qui croiraient qu’en cette circonstance elle a manqué à la sagesse en se découvrant avec trop de sincérité ne se rendraient pas un compte bien exact de la situation actuelle de la philosophie. Les questions sont aujourd’hui serrées de trop près pour que l’on puisse rester dans le vague des formules indécises et d’un incertain christianisme qui n’est ni orthodoxe, ni hétérodoxe. Un historien illustre, qui vient de toucher à toutes ces questions avec la hauteur qui lui est habituelle, met en demeure les spiritualistes de s’expliquer sur la question du surnaturel. Ce grand et éloquent défenseur de la liberté de discussion est le premier à désirer que les causes s’accusent et se découvrent avec franchise, et que chacun porte son propre nom, son propre drapeau. Ce n’est pas lui qui reprocherait à M. Saisset (s’il vivait encore) d’avoir répondu d’avance à son appel et d’avoir dit : « Voilà ce que je crois ; rien de moins, rien de plus. »

S’il m’était permis d’ajouter un mot à la discussion si vive et si franche de M. Emile Saisset, je dirais volontiers : Lorsqu’on accuse la philosophie d’insuffisance, qu’entend-on conclure de là ? J’avoue volontiers que la philosophie est insuffisante, qu’elle ne donne ni toute lumière, ni toute consolation, ni tout espoir ; mais pourquoi la philosophie serait-elle suffisante, et pourquoi supposerait-on que l’homme doit avoir nécessairement à sa disposition quelque chose qui le satisfasse entièrement ? Tout étant incomplet et défectueux ici-bas, pourquoi s’étonner que nos lumières soient incomplètes, et que les secours qui nous ont été accordés soient proportionnés à la faiblesse et à la médiocrité de notre nature ? Si l’on dit qu’un