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mée de terre, dont la concentration, dans les circonstances où se faisait la guerre, eût été impossible. Peu de personnes s’imaginèrent que Sherman, un général comparativement obscur et négligé à dessein pendant la première année de la guerre, adopterait un système exempt des fautes radicales qui avaient jusque-là eu de si fâcheux résultats, qu’il s’emparerait presque sans effort d’Atlanta, se rendrait maître, grâce à une marche hardie, de Savannah, de Chatanooga, de bien d’autres places, et qu’il irait même jusqu’à inquiéter le général Lee dans ses retranchemens devant Petersburg. Ainsi il arriva que la campagne de Géorgie, qui était seulement destinée à seconder celle de Virginie, devint de fait la principale.

Conformément aux ordres du général Grant, le commandant en chef Sherman, laissant d’abord de côté Chatanooga, mit son armée en mouvement le 5 mai 1864, date fixée aussi pour la marche en avant de l’armée du Potomac. Ses forces se montaient environ à 100,000 hommes avec deux cent cinquante pièces de canon. L’artillerie, qui toujours est une espèce d’obstacle, principalement sur de mauvaises routes comme celles que Sherman avait devant lui, était donc représentée en proportion assez modérée. L’ennemi, sous le général Johnstone, était au reste inférieur de moitié sous ce rapport, mais il avait l’avantage en cavalerie, et, comme l’armée unioniste devait s’approvisionner par le chemin de fer, que l’on réparait à mesure qu’elle s’avançait, cette supériorité en cavalerie était d’un immense avantage, ainsi que l’on peut facilement le comprendre. Rien n’est aussi aisé que de détruire un chemin de fer sur les derrières d’une armée. Ajoutons que les deux généraux opposés connaissaient d’une manière parfaitement exacte leurs forces respectives.

L’armée confédérée était campée dans le voisinage de Dalton, environ à quarante milles de Chatanooga, et occupait une très bonne position garnie de montagnes, de rochers, entourée de marais et protégée par des fortifications. Pour surmonter de pareilles difficultés, il fallait dès le début, et c’est ce que remarqua Sherman, recourir à un expédient stratégique. Pendant que le gros de son armée opérait devant Dalton, deux corps, sous les ordres du général Mac-Pherson, exécutèrent une manœuvre tournante à quelque dix milles sur les derrières de l’ennemi, menaçant de la sorte sa ligne de communication. Le général confédéré se trouva donc obligé de se replier sur Resaca, position également très forte. De nouvelles manœuvres, non moins habiles que les premières, vinrent encore cependant le contraindre à continuer son mouvement de retraite. Le 16e corps fut envoyé sur les derrières de l’ennemi par la gauche, pendant qu’une colonne de cavalerie s’ouvrait un passage sur ses derrières par la droite et menaçait plusieurs petites places d’armes situées dans l’intérieur. Une attaque partielle, mais vigoureuse, dirigée par le général Hooker, assurait au même moment à l’armée fédérale l’occupation d’un groupe considérable de montagnes. Dans ces circonstances, le général Johnstone fit ce qu’il y avait de