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sans doute alors l’oubli de ce devoir de tutelle et de protection qu’il ne lui est pas permis de négliger, même envers ceux qui ont failli. Et n’est-ce point là vraiment un juste effet de cette loi supérieure et providentielle de solidarité qui relie entre elles toutes les obligations morales, et que l’on ne méconnaît jamais impunément ?

Si pourtant l’on vient à dire que de tels résultats, si déplorables qu’ils soient, bien qu’atténués déjà par les dernières lois sur la détention préventive et la liberté provisoire, sont après tout inséparables de l’action même de la justice, impuissante à classer A priori, selon des présomptions d’innocence ou de moralité, ceux qui lui sont déférés, je l’accorde volontiers, et rien à mes yeux n’est plus vrai ; mais à l’instant même il faut reconnaître aussi que rien au monde ne peut mieux démontrer non-seulement l’utilité relative, mais l’étroite et absolue nécessité de l’emprisonnement cellulaire, puisqu’en définitive il est ainsi très péremptoirement prouvé qu’il peut seul prévenir de semblables énormités. J’ai donc eu raison d’affirmer que, sous ces divers rapports, cet emprisonnement est hors de toute comparaison avec le régime de la détention en commun.

En résumé, chacun à cette heure peut voir, ce me semble, ou du moins entrevoir que c’est bien exclusivement dans l’emprisonnement cellulaire que se rencontrent, et à un haut degré, les plus solides élémens d’une intimidation réellement préventive et de l’amendement moral des détenus. On le verra bien mieux encore le jour, puisse-t-il être prochain ! où un ami de la réforme à qui ne manqueraient ni les lumières ni l’expérience aura l’heureuse fortune de poser enfin d’une main sûre les bases premières du système, et surtout d’indiquer avec une exacte et judicieuse précision les modes d’application le plus sagement appropriés à nos habitudes et à nos mœurs. Grande et belle œuvre assurément, grande par son utilité propre et directe, plus grande encore peut-être parce qu’elle répondrait à l’un des besoins du temps en élevant ainsi l’institution criminelle, le suprême abri de l’ordre, à ces fortes, et saines conditions d’intimidation efficace et de moralisation relative jusque-là inconnues ou inespérées !


S. AYLIES.