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vante. Pour la calmer ; il leur avait écrit vers le 15 août « d’être sans inquiétude, et que la marche des troupes n’avoit rien qui les regardât. » Plus d’un mois après, le 24 septembre, il leur écrivit de nouveau pour les inciter à accepter le papier timbré, espérant, s’il en était ainsi, attirer sur leur ville « les grâces que son obéissance et sa soumission aux volontés du roi lui pourroient mériter. » Il va sans dire que le papier timbré fut immédiatement rétabli. De son côté, le marquis de Coëtlogon, en remettant les dernières lettres du duc à messieurs de la ville et du parlement, leur, fit espérer l’éloignement des troupes et la prompte réunion des états.

Quelle ne fut pas, après la confiance que ces paroles avaient dû inspirer ; l’inquiétude des habitans de Rennes en apprenant que le duc de Chaulnes arrivait à la tête de six mille hommes ! Ces mots de Mme de Sévigné, amie du duc et très liée avec la duchesse, en donnent une idée : « l’émotion est grande dans la ville de Rennes, et la haine incroyable dans toute la province pour le gouverneur. » Quelques jours après, celui-ci faisait son entrée, précédé de deux compagnies de mousquetaires, de six compagnies de gardes françaises, et de gardes suisses, de six cents dragons, de plusieurs régimens d’infanterie, d’un millier d’archers de la maréchaussée, tant à pied qu’à cheval. Ils s’avançaient quatre à quatre, mèche allumée des deux bouts, la balle à la bouche, le mousquet haut, l’épee hors du fourreau. Un maître des requêtes chargé de faire le procès aux rebelles, M. de Marillac, accompagnait le duc. Exempte jusqu’alors de garnison par ses privilèges, la ville de Rennes n’avait pas de casernes ; il fallut donc loger ces six mille hommes chez les habitans et lever coup sur coup des contributions forcées pour les nourrir. Protégé par cette force imposante, M. de Marillac informait contre les plus compromis. Sept d’entre eux furent roués ou pendus. Oh citait dans le nombre un joueur de violon convaincu d’avoir donner le signal de la troisième révolte contre le papier timbré, et dont on ne put rien tirer, sinon que les fermiers lui avaient donné vingt-cinq écus pour commencer. Il est certain que beaucoup de buralistes, s’attendant à être pillés, exagéraient leurs déclarations, et il fut constaté qu’un receveur de Nantes, dont la caisse fut mieux gardée qu’il ne le désirait, n’y avait laissé que 64,000 livres au lieu de 250,000 accusées par lui. On se souvient de la lettre du duc de Chaulnes à Colbert sur les faubourgs de Rennes qu’il avait proposé de ruiner entièrement. Un édit du 16 octobre 1675 décida que le plus considérable, la Rue-Haute, serait rasé. Il y avait environ quatre mille habitans ; Mme de Sévigné nous apprend ce qu’ils devinrent : « on a chassé et banni toute une grande rue et défendu de les recueillir sous peine de la vie, de