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plus louables de notre temps. Il s’est trouvé dans un de nos principaux chefs-lieux de département, à Nancy, une réunion d’hommes qui n’ont perdu ni le goût, ni l’intelligence, ni le zèle des choses politiques, et qui se sont résolument attaqués à la question de la décentralisation. La réunion de Nancy n’est point composée d’enthousiastes et d’utopistes ; elle est formée de propriétaires, d’anciens représentans, d’anciens fonctionnaires, de membres de conseils-généraux et de conseils municipaux. Elle s’est mise à étudier la réforme départementale et communale avec le calme, le soin des détails, le sens pratique qu’apporterait dans une telle investigation une section du conseil d’état ou une commission législative. Jamais l’agitation d’une grande question politique n’a eu un début plus paisible, plus raisonnable, plus ferme et plus modeste. La réunion de Nancy, en même temps qu’elle signalait le mal, a indiqué le remède efficace, non à l’aventure, mais en se fondant sur les rapports naturels des choses, en s’appuyant sur des exemples positifs, sur des expériences certaines chaque jour accomplies à côté de nous par des populations libérales qui parlent notre langue. Il y a peu de mois, elle publiait sous forme de brochure le résultat remarquable de son travail ; elle nous en donne aujourd’hui une nouvelle édition. Nous croyons qu’elle a trouvé la bonne soudure. Ou nous nous trompons fort, ou le Projet de Décentralisation de Nancy, semblable à une de ces œuvres animées de l’amour du bien public qui parurent avant la révolution française, est destiné à avoir un retentissement considérable.

La publication de la réunion de Nancy est en effet une tentative féconde qui a déjà produit une des manifestations politiques les plus intéressantes et les plus utiles qu’on ait vues en France depuis longtemps. Les représentans les plus éminens de nos grandes opinions se sont rencontrés sur le terrain ouvert par les pionniers de Nancy. La nouvelle édition du projet renferme un grand nombre de lettres où se concilient, par un mouvement naturel de raison et de cœur, des hommes politiques appartenant aux partis les plus divers. On dirait que la réunion de Nancy a convoqué un vaste meeting pour agiter la question de l’émancipation du département et de la commune, que les premiers hommes du pays ont tenu à honneur de répondre à son appel, et que la nouvelle brochure est le compte-rendu de leurs discours. Là ont parlé M. Odilon Barrot et M. Jules Favre, M. le duc de Broglie et M. Carnot, M. Guizot et M. Garnier-Pagès, M. Berryer et M. Eugène Peiletan, M. Duvergier de Hauranne et M. Jules Simon, M. Dufaure et M. Magnin ; là nous entendons les voix de ces anciens représentans, de ces citoyens honnêtes rentrés dans la vie privée depuis 1862, et qui conservent le feu sacré au fond de nos départemens, tels que M. J. Chauffour, de Colmar ; là enfin, et nous ne nommons point tout le monde, des hommes plus jeunes, MM. Paul Andral, Lanfrey, Jules Ferry, s’expriment sur la question des libertés locales avec une fermeté de vues et une décision de langage qui sont d’un bon augure pour l’avenir