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ser le mensonge quand on ne voit plus d’Intérêt à déguiser la vérité ! Une guerre est entreprise contre un petit royaume accusé d’usurper des provinces dont on mettait en avant le propriétaire soi-disant légitime ; les provinces conquises, les prétendans sont écartés, personne n’avait droit aux duchés que ceux à qui on vient de les dérober, on l’avoue et l’on proclame qu’il n’y a plus qu’un droit, celui que l’on puise dans le traité imposé au vaincu ! L’Allemagne, mystifiée la première dans les aspirations de ses radicaux et les prétentions vaniteuses de ses états secondaires, voit cela et s’y résigne ; la France voit cela et se console en cultivant sa gloire ; l’Angleterre voit cela et se félicite de réduire ses taxes et d’étendre son commerce. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et le XIXe siècle est l’heureux imitateur du XVIIIe. Il faut que dans notre Europe la forme monarchique soit douée d’une vitalité bien puissante pour qu’elle puisse survivre à de pareilles prouesses d’Immoralité.

Ce n’est point nous qui accuserons l’Autriche de faiblesse, si elle se montre dans cette circonstance trop complaisante pour la Prusse. L’Autriche est à coup sûr le gouvernement en Europe qui a le plus de droit au repos et qui est le plus autorisé à sacrifier son amour-propre à sa tranquillité. Nous sommes de ceux qui souhaitent que l’empire autrichien s’occupe de son gouvernement intérieur, et nous faisons des vœux pour le succès de l’expérience qui y commence à l’heure présente. Que le gouvernement autrichien se réconcilie donc sincèrement et pleinement avec les nationalités généreuses et énergiques qui peuvent s’associer à ses destinées ! Ce travail de réconciliation est déjà en train de réussir en Hongrie ; le comte Belcredi le poursuivra aussi dans les provinces dont l’administration lui est particulièrement confiée. La circulaire par laquelle il a inauguré son arrivée au pouvoir annonce des intentions excellentes, et rompt d’une façon heureuse avec le despotisme bureaucratique. On s’attendait à voir le nouveau cabinet signaler son avènement par de larges mesures de clémence envers les prisonniers politiques. Ces amnisties eussent été surtout bienvenues dans les provinces polonaises, et certes le gouvernement autrichien doit aux Polonais de sérieuses réparations. Toute l’Europe a vu les encouragement que le cabinet de Vienne donna d’abord aux mouvemens de la Pologne. Les autorités locales fermaient les yeux sur le concours que les Galiciens prêtaient à l’insurrection. La Galicie n’eût pas pu demeurer une semaine la base d’opération des insurgés sans la connivence tacite du gouvernement autrichien. Comment les Galiciens n’eussent-Ils pas vu dans cette connivence une sorte d’approbation secrète ? On se souvient aussi que, lorsqu’il fut démontré que les puissances occidentales ne tenteraient rien pour la Pologne, la politique changea soudainement. Il fallut alors conjurer le ressentiment de la Russie, apaiser un si dangereux voisin, lui donner des gages. Il fallut apprendre aux Galiciens que le gouvernement ne couvrait plus de sa tolérance les expéditions entreprises sur la frontière. L’avertissement fut cruel. On condamna à la prison des femmes, la comtesse Ostrow-