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gens habiles. C’étaient aussi des chrétiens qu’eût scandalisés sans doute la pensée des torts qu’ils se donnaient ainsi à leur insu ; mais le moyen, surtout à l’époque et sous les regards de Louis XIV, de célébrer la majesté divine sans la confondre quelque peu dans les termes avec la gloire du roi, et d’imaginer des hommages dont l’expression ne participât ni des pompes accoutumées du siècle, ni des usages établis a la cour ?

L’excès de ce faste au surplus et les caractères trop humains du système de décoration le plus ordinairement suivi en pareil cas ont leur explication, sinon leur excuse, dans les difficultés particulières de l’entreprise et dans les conditions multiples qu’elle prescrit. Il ne faut pas que la chapelle d’un palais ne soit qu’un salon de plus, une pièce complétant ou continuant par sa magnificence banale la somptuosité des appartemens royaux ; il est nécessaire toutefois, sous peine de contre-sens, qu’elle corresponde à l’importance sociale de ceux qui s’y réunissent, qu’elle laisse voir clairement pour quelle classe d’hommes elle a été faite, et que, en nous montrant avant tout le sanctuaire, elle nous révèle aussi le voisinage du trône, — comme dans un ordre de faits différent la chapelle d’un monastère doit nous parler de la pauvreté et de l’humilité volontaires des religieux qui viennent y prier. Autrement pourquoi cette église en dehors des églises ouvertes à tous, pourquoi ce culte domestique ? Comment oser appeler Dieu chez soi, si c’est pour se familiariser à ce point avec lui qu’on l’accueille moins cérémonieusement que l’envoyé d’une cour étrangère ?

Il convient donc, il est indispensable que la chapelle d’un palais ait une apparence de richesse en harmonie avec la qualité des personnages qui la fréquentent et avec les splendeurs qu’offrent les autres parties de l’édifice, — à la condition pourtant de ne pas laisser une place principale aux témoignages de ces souvenirs, à la condition de ne déposséder ni la religion au profit du prince, ni la majesté liturgique au profit de l’éclat d’un cortège, ni l’art enfin au seul profit du faste. Il convient surtout que ce lieu consacré garde un aspect et un caractère de sévérité dignes des mystères que le prêtre y célèbre, dignes aussi des graves avertissemens qui tomberont de la chaire évangélique. Or quoi de plus délicat, quoi de plus malaisé, que de réussir à concilier ces élémens contraires ? Quelle élévation et en même temps quelle finesse de goût ne faudra-t-il pas pour résoudre ce double problème, d’une impression religieuse à produire avec des moyens tout mondains et d’un hommage à rendre aux grands de la terre sans leur décerner pour cela une apothéose ou les installer dans un olympe d’opéra ! Les artistes de notre pays qui ont essayé, à différentes époques, de louvoyer entre ces écueils ont le plus souvent échoué, nous l’avons dit. La tentative récemment faite au palais de l’Élysée par MM. Eugène Lacroix et Sébastien Cornu a-t-elle eu un meilleur succès ? Nous ne voudrions pas en exagérer l’importance, ni prétendre trouver là le dernier mot de la question. Toutefois, parmi les œuvres analogues qui se sont succédé en France depuis le commencement du siècle, celle-ci nous semble une des