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les trois seuls fragmens qui subsistent encore ; mais déjà les branches supérieures sont desséchées et le feuillage est appauvri. Il est probable que, dans un petit nombre d’années, cette gloire des forêts de l’Etna aura cessé d’exister. Toutefois, si l’arbre décrépit n’est guère plus qu’une relique du passé, on n’en admire que mieux les jeunes châtaigniers des taillis voisins. On ne trouve en aucune autre partie du globe des arbres de cette espèce, ayant des troncs plus droits et plus unis, une écorce plus fine, une sève plus abondante, un bois plus ferme et plus exempt de défauts. Le sol de prédilection du châtaignier est évidemment le terreau noir formé pendant le cours des siècles par les cendres volcaniques.

Par sa riche végétation, l’Etna contraste singulièrement avec la chaîne des montagnes Neptuniennes qui l’entourent au nord et à l’est en un vaste demi-cercle. Tandis que le volcan, dans la partie de la zone cultivée qui n’a pas été dévastée par des courans de laves récentes, est un immense verger parsemé de villes, de villages, de maisons de campagne, les escarpemens argileux et gypseux qui se dressent en face semblent être en comparaison la solitude même. Quelques villages, pareils à des pointes de rochers, hérissent de leurs murs et de leurs tourelles les cimes les plus hautes ; pas une maison isolée, pas une cabane ne se montré sur les pentes. Celles-ci sont rendues verdoyantes ou jaunes, suivant les saisons, par d’interminables champs de céréales, mais on n’y voit pas un seul arbre, et çà et là des talus d’éboulemens rougeâtres s’appuient aux flancs de la montagne ravinée. Le contraste offert par la végétation et l’aspect général des deux formations géologiques est tellement tranché, que d’une distance de plusieurs lieues on pourrait indiquer avec précision la limite qui sépare les laves des terrains de sédiment.

La fertilité des campagnes de l’Etna étonne d’autant plus que dans les divers ravins disposés en forme de rayons autour du dôme central de la montagne il n’existe pas de ruisseaux proprement dits. Les eaux de pluie sont rapidement absorbées par les scories poreuses et les couches de cendres ; pendant les fortes averses, des torrens temporaires passent en grondant au fond des tranchées graduellement creusées en pleine lave, puis se dessèchent après avoir entraîné dans la plaine des amas de débris et ravagé les cultures. Lors des premières chaleurs du printemps, quand les neiges fondent en abondance, de petits filets d’eau coulent aussi dans les Vallons supérieurs ; mais ces filets diminuent peu à peu à mesure qu’ils descendent vers la plaine, et finissent par tarir avant d’avoir atteint la zone des champs cultivés. Çà et là, quelques faibles sources où les paysannes viennent puiser de plusieurs kilomètres à