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et italien du mot qu’une sorte d’efflorescence jaillissant à un jour donné de tout un grand ensemble musical. Un opéra quelconque de Rossini qui à ses débuts aurait reçu l’accueil fait primitivement à Fidelio serait depuis longtemps mort et enterré. Si Fidelio a survécu, c’est que chez Beethoven tout se tient, c’est qu’il n’y a pas chez lui d’œuvre existant purement et simplement à l’état individuel, et qui, sonate, caprice, lied ou fantaisie, ne plonge ses racines au cœur même du puissant ensemble. Dès lors qu’importe la première impression produite ? Aux beaux jours du rossinisme, quand Fidelio passait pour une partition de bibliothèque, réservée à l’édification de quelques rares initiés, on disait complaisamment de ce splendide second acte : « Ce n’est plus de l’opéra, c’est une symphonie en action ! » Le mot, quoique exagéré, avait du vrai, attendu que, pour bien goûter cet admirable second acte, pour l’apprécier au point de vue d’une critique compétente et sérieuse, il fallait d’abord avoir connu les symphonies. L’opéra, comme toutes les productions, jusqu’aux moindres, de ce plus grand des maîtres, relevant de l’école symphonique, c’était aux symphonies de préparer la voie à l’opéra, et, grâce à cette diffusion de la musique instrumentale de Beethoven, son Fidelio, si l’on savait s’y prendre, réussirait aujourd’hui à Paris, comme il réussit à Londres chaque fois qu’on le donne convenablement exécuté.

Ce que je viens de dire de Beethoven peut également s’appliquer à Mozart, à Weber, à Spohr, à Mendelssohn, à la plupart des maîtres allemands, lesquels sont avant tout, et quoi qu’ils fassent, des musiciens, et comme tels, quand l’inspiration les y invite, se mettent à composer pour le théâtre, tandis qu’en France, en Italie, on est d’abord compositeur dramatique et musicien par cela seul. Je ne soutiendrai point cependant que le système, avec ses avantages, n’ait aussi ses inconvéniens, car si chez l’Italien n’ayant en vue que le succès et l’applaudissement de la soirée le métier, la routine, prévalent, s’il oublie l’idéal pour ne songer qu’au modèle qu’il imite servilement, au poncif, le musicien allemand écrivant un opéra court d’autres risques : l’artiste chez lui, je l’avoue, est sans reproche ; mais gare à l’esthéticien abstrait, au partitionnaire idéologue !

Un opéra de Mendelssohn nous manque, chose fort regrettable. Cette Loreley eût été son Fidelio ; mais, puisque le malheur veut qu’il ne l’ait point terminée, prenons notre destin en patience, et n’allons pas fouiller dans la poussière des papiers de son enfance pour en exhumer des niaiseries du genre de cette Lisbeth qu’on vient de produire au Théâtre-Lyrique, car c’est pour le coup que nos jeunes compositeurs seraient en droit de se récrier contre ces fameux empiétemens de la muse étrangère et de se pourvoir comme d’abus près du tribunal de l’opinion. Mieux eût valu, puisqu’on était en si belle humeur de sentimentalisme, s’adresser au vieux Weigll et lui demander tout bonnement sa Famille suisse. Il n’y a pas un ouvrage de Danzi, de Reissinger, de Konradin Kreutzer, de Wolfram, pas