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sur tel ou tel détail de la balance des derniers budgets présentés. Pour répondre aux objections que la politique financière soulève, il ne suffit pas de dire que les ressources accidentelles à l’aide desquelles on a figuré l’équilibre des budgets sont bien positives, et ne manqueront pas de se réaliser ; il ne suffit pas de dire, quant aux 22 millions obtenus de la caisse de la dotation de l’armée, que l’argent est là ; quant aux remboursemens mexicains, qu’ils seront effectués ; quant aux annulations de crédits, qu’on les obtiendra, s’il le faut, par des réductions sur les travaux publics. L’opposition a bien été obligée de s’arrêter à ces détails pour montrer le caractère exceptionnel, accidentel, précaire, d’une catégorie de recettes à l’aide desquelles on essaie de faire face à des dépenses qui ont au contraire le caractère de la permanence. De même, il ne suffit pas de répondre par des protestations emphatiques sur la richesse et la bonne foi de la France pour avoir raison des argumens de l’opposition, lorsque celle-ci, voulant rendre ses critiques plus sensibles, force ses hypothèses et suppose que tel accident, surprenant nos finances mal ordonnées, pourrait mettre notre pays dans l’impossibilité de remplir immédiatement ses engagemens. Certes, quand on songe à ce qui est arrivé en 1848, on ne voit rien d’excessif dans une telle supposition : son bon sens, sa loyauté, sa richesse intrinsèque, placent sans doute la France au-dessus du soupçon d’une banqueroute absolue, mais 1848 nous a montré que l’honnêteté et la richesse du pays peuvent ne point suffire à prévenir le trouble que jettent dans tous les intérêts et les maux que produisent un simple ajournement ou des modifications forcées apportées dans la forme et l’accomplissement des engagemens publics. La leçon est forte, et elle n’est point ancienne ; mais ce n’est pas à de telles extrémités que vise le débat.

Le fait qui a été mis en évidence par les dernières discussions, et qui a frappé et frappera de plus en plus l’opinion publique, est celui-ci : nos dépenses depuis quelques années s’élèvent à une somme qui varie de 2 milliards 100 millions à 2 milliards 300 millions. Ce chiffre de dépenses, se maintenant depuis plusieurs années, peut être considéré comme prenant le caractère de la permanence. D’un autre côté, nos recettes régulières s’élèvent à 1 milliard 920 ou 930 millions. On comble cette différence pour une partie en détournant la dotation de l’amortissement de son application naturelle, pour le reste avec des recettes accidentelles qui ne remplissent point les conditions de certitude et qui ne sont pas destinées à se reproduire régulièrement dans l’avenir. Les inconvéniens de cette façon de procéder sont manifestes. La certitude et la permanence sont dans nos dépenses ; elles n’existent point dans une portion de nos recettes. La continuation d’un tel état de choses entretient nécessairement dans nos budgets un caractère aléatoire ; l’esprit d’expédiens entre dans la préparation de nos lois de finances. Dans le cas où les expédiens échoueraient ou seraient insuffisans, on est livré à la nécessité de combler la différence entre la dépense et la recette par des emprunts déguisés, par l’accroissement de