Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liberté leur manque. La loi qui fait de l’entière liberté la condition fondamentale de l’ordre est reconnue par tous les esprits élevés ; mais il est des momens où les intérêts oublient cette loi et des momens où l’expérience leur en apprend de nouveau l’autorité salutaire. Nous sommes au début d’une période où les intérêts vont recommencer à demander à la liberté les garanties et les moyens d’action qui leur sont nécessaires. Sérieusement, de qui peut-on attendre aujourd’hui la prudence dans les engagemens extérieurs et la modération dans les dépenses publiques ? Est-ce du pouvoir ? est-ce de la liberté ? Les chances et le crédit de la liberté sont manifestement en voie de progrès. Un grave souci intérieur nous est né récemment de l’application de la nouvelle loi sur les coalitions. De toutes parts, dans presque tous les corps d’état, les ouvriers ont voulu faire l’essai de cette loi. Chose curieuse ! c’est dans un moment de véritable souffrance industrielle, et lorsque le grand commerce est partout ralenti dans le monde par la baisse persistante des prix, c’est alors que les ouvriers, peu informés des circonstances économiques générales, sont venus demander la hausse des salaires et ajouter une difficulté nouvelle aux difficultés industrielles existantes. Cette affaire des grèves et des coalitions, qui se produisait pour la première fois avec un tel ensemble, a été pendant quelque temps une cause d’inquiétude, et tout le monde sent que cette inquiétude est destinée à se reproduire dans l’avenir ; mais ce que l’on a senti tout de suite aussi, c’est que notre état politique ne nous fournit point les libertés nécessaires pour faire contre-poids à la liberté des coalitions. Le libre débat des conditions du travail entre les patrons et les ouvriers, entre le capital et la main-d’œuvre, ne peut arriver à une conclusion équitable sans l’intervention morale d’une puissante opinion publique ; mais cette opinion n’a une puissance pratique et utile que lorsqu’elle peut s’éclairer et agir par l’usage des libertés publiques. Sans la liberté de la presse, sans la liberté de s’associer et de se réunir, l’opinion publique est privée des moyens d’information qui lui sont nécessaires, et demeure trop éloignée des choses pour exercer un arbitrage efficace dans les grandes contestations économiques et sociales. L’opinion publique, armée de ses libertés naturelles, peut toujours trouver le point variable où les prétentions du capital et du travail doivent équitablement se rencontrer, et terminer par une fusion d’intérêts des luttes qui, lorsqu’elles ne sont point tempérées et équilibrées par la liberté, dégénèrent en un douloureux et périlleux antagonisme de classes. Par toutes les pentes, les esprits, comme les intérêts, sont donc conduits vers la liberté, et ce mouvement se manifeste chaque jour dans les accidens de notre politique intérieure. L’instinct, le sentiment, la volonté du pays, se révèlent par toutes les élections partielles. La plupart de ces élections sont des victoires pour l’opposition libérale. L’opposition vient d’obtenir deux nouveaux succès de ce genre, l’un dans la Marne, l’autre, dans le Puy-de-Dôme. Celui-ci surtout est remarquable et doit donner à penser au gouvernement. Dans la circonscription qui nom-