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mence. Cette politique est déjà en train de réussir ; les animosités commencent à s’apaiser. Fait remarquable, ce sont ces hommes de bien et ces vrais patriotes qui poursuivaient la destruction de l’esclavage, ce sont ces abolitionistes autrefois si haïs, si calomniés, si indignement traités par les gens du sud, qui sont aujourd’hui les avocats éloquens d’une politique indulgente. À côté des hommes d’état, travaillés des soucis de la reconstruction du sud et de la justice politique à observer envers les organisateurs de la rébellion, les foules dans les grandes cités américaines prodiguent les fêtes aux chefs victorieux des armées fédérales. Chicago a une foire patriotique où sont acclamés Grant et Sherman. New-York a donné à Grant une hospitalité magnifique. Grant, au milieu de ces ovations, a montré un rare bon goût : dans un pays qui a la manie des discours, il s’est abstenu de toute effusion oratoire. Il a répondu aux plus véhémentes harangues par de courtes phrases de remerciaient. La population de New-York n’a pas connu la couleur de ses paroles : au moment où la foule en belle humeur illuminait de feux de Bengale la façade de son hôtel et l’appelait à grands cris, il s’est levé, l’a saluée et ne lui a fait voir que le bout allumé de ce cigare légendaire dont les bouffées accompagnaient ses méditations pendant les opiniâtres et glorieuses campagnes qu’il a conduites.

Les négociations engagées entre la cour de Rome et le roi d’Italie n’ont pas eu l’heureuse issue que nous avions espérée. Il ne faut pas se décourager de ce premier échec. On ne s’est pas entendu sur la question du serment des nouveaux évêques dans les provinces annexées. On y reviendra. Il ne reste pas moins de ces pourparlers un fait important : la première glace a été rompue entre Rome et la nouvelle Italie ; on a vu que le roi Victor-Emmanuel et le pape pouvaient négocier ensemble. L’occupation par l’Italie des provinces détachées du saint-siège n’était point en principe un obstacle à un arrangement ecclésiastique. Cette expérience présente un grand intérêt, car elle montre que la convention du 15 septembre est pleinement réalisable, que le gouvernement de Victor-Emmanuel et la cour de Rome pourront vivre en tête-à-tête, et qu’il n’y a point à craindre que l’évacuation de Rome par nos troupes soit le signal d’un exode pontifical. Il est bon que cette démonstration ait été faite, car elle prépare et rend plus facile l’exécution de la convention du 15 septembre. Il n’est pas dit, après tout, que la négociation religieuse soit définitivement rompue. Dans une transaction de cette gravité, aucune des deux parties ne dit d’emblée son dernier mot, et l’on ne doit pas se laisser prendre tout d’abord au piège d’une fausse sortie. La cour de Rome et le gouvernement italien auront bien des occasions encore de se rencontrer. Au pis-aller, si c’était la cour de Rome qui en définitive fût intraitable, la cause de l’affranchissement complet de l’Italie n’aurait rien à perdre à une pareille démonstration quand elle l’aurait acquise au prix de certaines prévenances respectueuses et d’une louable patience.

Parmi les petits potentats qui font de temps en temps parler d’eux, il