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dans des erreurs anciennes, Au XVIIIe siècle par exemple, les savans, comme le vulgaire, pensaient que le corail était un arbrisseau sous-marin. On avait même vu des branches de corail, qu’on plongeait dans l’eau de mer aussitôt après qu’elles avaient été pêchées, se couvrir de petites fleurs blanches étoilées de huit pétales. Un médecin français, Peyssonnel, qui avait fait de longues stations sur la côte de Barbarie et suivi avec attention la pêche du corail, vint annoncer à l’Académie que les prétendues fleurs n’étaient que de petits animaux, des polypes, qui construisaient peu à peu cette roche branchue que l’on prenait pour un végétal. L’académicien Réaumur, chargé de faire un rapport à ce sujet, rejeta bien loin l’idée nouvelle. Bernard de Jussieu, l’illustre botaniste, ne se donna pas la peine de constater que les étoiles blanches du corail manquent de tout ce qui constitue essentiellement une fleur. En somme, Peyssonnel fut traité fort dédaigneusement par l’Académie jusqu’au jour où, l’affaire ayant fait grand bruit dans le public, il fallut reconnaître que le médecin avait raison et faire amende honorable. On pense si le directeur du Muséum de Rouen triomphe en racontant comment un simple savant de province fit ainsi prévaloir son opinion contre tous les académiciens de son temps !

Quant à la question même des générations spontanées, elle ne tient pas une grande place dans le livre de l’Univers, et l’auteur n’entre pas dans le fond du débat. Il reproche seulement à ses adversaires, aux panspermistes, de regarder l’air comme peuplé d’une quantité si prodigieuse de germes, que nous devrions en être aveuglés et étouffés. Comment supposer, dit-il, qu’il y ait sans cesse et partout dans l’atmosphère des germes d’où puissent naître toutes les sortes de plantes ou d’animaux microscopiques ? « Il existe des végétaux qui n’apparaissent que dans des circonstances tellement exceptionnelles, tellement extraordinaires, que l’esprit se révolte à la pensée que leurs séminules encombrent de siècle en siècle l’atmosphère, pour ne féconder qu’à de rares intervalles quelque point imperceptible du globe… On connaît un champignon qui ne se développe jamais que sur les cadavres des araignées ; un autre n’apparaît qu’à la surface des sabots des chevaux en putréfaction… Un certain champignon ne se rencontre jamais que sur la queue d’une chenille des contrées tropicales… Faut-il donc que, pour ce cas fortuit, l’air ait été bourré de semences, afin qu’il s’en implante une de temps à autre sur un site d’élection qui n’a pas un millimètre carré de surface ? » M. Pouchet cite encore un grand nombre d’exemples curieux de générations très spéciales : c’est un végétal qui n’a jamais été rencontré que sur les futailles de nos celliers, c’en est un autre qui vit seulement dans les gouttes de suif que les mineurs laissent tomber sur le sol en travaillant, etc. ; mais il ne nous semble pas que l’argumentation de M. Pouchet soit aussi puissante qu’il le suppose. Et d’abord les végétations qu’il cite en exemple ne naissent-elles réellement que dans les cas qu’il fait connaître ? Qui a opéré un recensement assez complet de tous les êtres pour oser l’affirmer ? Admettons-le cependant, et voyons si la panspermie n’aura rien à répondre à cet argument. Nous ne voulons pas nous porter fort pour les panspermistes ; mais nous ne pensons pas que, pour soutenir leur opinion, ils aient besoin d’admettre que l’air contienne absolument tous les germes, et qu’il n’y en ait nulle part ailleurs. M. Pou-