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vrage, encore toute scientifique, quoique l’hypothèse n’en soit pas bannie et que la conjecture commence à s’y montrer, se lit avec curiosité et captive l’attention, qui s’en détache malaisément. C’est ce que l’auteur a fait de mieux, et son style, qui parfois effleure la déclamation ou s’égare dans le vague, n’a guère, tant qu’il marche appuyé sur la science, que les qualités qui plaisent à l’imagination sans inquiéter la raison.

Comme l’auteur croit en Dieu, en un Dieu juste qui à des desseins et qui fait tout avec sagesse, il ne peut souffrir que cette hiérarchie harmonique des mondes n’ait aucun but, et que, soigneusement observée, elle ne doive pas nous suggérer quelques vues inductives sur la place et la fin de l’existence de l’être fixé un moment à la surface de l’un des plus humbles satellites du soleil. Ici l’hypothèse philosophique vient se greffer sur l’hypothèse scientifique, et l’auteur se croit fondé à reproduire l’idée de la pluralité des existences d’un même être concordante avec la pluralité des habitations qu’il peut traverser. La pensée n’est pas nouvelle, et il en trace une histoire assez curieuse ; mais ; pendant longtemps elle a pu se ranger parmi les visions d’un monde imaginaire. La nouveauté est de la rattacher à l’étude méthodique du système de l’univers tel que le révèlent l’observation et la géométrie.

Cette partie métaphysique de l’ouvrage avait besoin d’être la mieux exécutée : elle ne l’est pas ; elle manque de preuves et de développement. Sans être dénuée d’intérêt, elle devrait, pour provoquer un examen sérieux et approfondi, être complétée par un second ouvrage que M. Flammarion annonce, et qui sera la description et la discussion des mondes imaginaires. Tel qu’il est, son livre, qui est à sa quatrième édition, mérite le succès qu’il a obtenu. Il est d’une lecture plus facile et plus attrayante que l’ouvrage de Jean Reynaud, et il peut suffire à ceux qui veulent prendre une teinture des idées d’une école déjà pourvue de quelques-unes des conditions nécessaires pour devenir une secte. Après Reynaud, M. Flammarion est en tout cas le premier qui doive être lu.

Parmi les écrivains qui, sans s’être concertés pour la plupart, professent des doctrines analogues et ne sont pas fort connus, nous pouvons citer encore M. Pezzani, auteur de quinze ouvrages qui n’ont pas tous une valeur égale, mais dont le plus curieux et le plus intéressant a pour titre : la Pluralité des existences de l’âme. M. Pezzani se donne pour un continuateur de Jean Reynaud et de M. Flammarion ; mais il s’attache spécialement au problème philosophique et moral, jugeant avec quelque raison le problème astronomique résolu. Il y a plusieurs mondes, pour parler le langage usité depuis Fontenelle, et ces mondes sont habités ; il me