Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VI

Il faut bien en effet se l’avouer à soi-même, on ne peut penser à la survivance de l’âme sans que l’imagination cherche à se la figurer sous des traits déterminés. On est nécessairement entraîné à concevoir une existence d’un nouveau genre dans un milieu nouveau. Le dogme catholique, qui prête à l’âme renaissante une forme corporelle, conduit à supposer un monde matériel où les lois fondamentales de la physique seraient interverties, et que l’imagination des peintres de toutes les écoles s’est plu à reproduire fantastiquement. Le pur spiritualisme lui-même nous oblige de douer l’âme d’une propriété que les scholastiques appelaient la vélocité, et qui lui permette de traverser l’espace et de changer de milieu d’une manière inconnue. C’est même cette dérogation aux phénomènes observables qui motive quelquefois l’incrédulité de l’empirisme des sciences naturelles. Il ne peut donc être inutile de répondre à ces suppositions ou à ces doutes par des recherches sérieuses et des considérations cosmologiques qui ôtent jusqu’à un certain point aux espérances religieuses cet air de magie qui les discrédite auprès de certains esprits. Des hypothèses scientifiques (car je ne crois pas qu’on puisse obtenir davantage), en montrant la possibilité de rattacher à la physique générale les anticipations de la croyance métaphysique, ne seraient donc ni sans à-propos ni sans fruit. Bien loin de s’éprendre du surnaturel, comme c’est la mode aujourd’hui, il faut s’efforcer d’en restreindre le domaine dans l’intérêt de la religion même, car au fond il n’y a pas de surnaturel, il n’y a que de l’inconnu. Tout ce qui est vrai, Dieu lui-même, est nécessairement dans la nature des choses. Ayons donc, nous autres défenseurs du spiritualisme, le courage de nous rappeler les difficultés et les lacunes mystérieuses de nos doctrines, et pour les mettre à l’abri des atteintes de la critique moderne reconnaissons la nécessité d’aborder d’embarrassans problèmes dont on ne se délivre pas en les négligeant. Provoquer des recherches hardies a été notre principal but en écrivant ces pages. Or quiconque reviendra à ces problèmes trop longtemps écartés s’apercevra bientôt que, parmi nos diverses spéculations sur la nature et l’avenir de l’âme, il en est qui donneraient lieu de penser qu’elle est indestructible, d’où l’on conclurait aisément qu’elle est éternelle, et la métempsycose sortirait de là comme une conséquence naturelle. La question de la naissance de l’âme ne peut donc être impunément séparée de celle de sa nature, objet constant des études des spiritualistes.