Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bius, théologien subtil, et qui avait pris à tâche de combattre Origène, arriva dans Jérusalem, suivant à la trace les disciples du maître pour les confondre avec lui. Aterbius fit son enquête avec une adresse perfide : il vit l’évêque de Jérusalem et assista à ses homélies ; il s’entretint plusieurs fois avec Rufin, et tâcha de savoir de lui ce qu’il fallait penser de Jérôme ; puis il lança tout à coup dans le public un manifeste par lequel il dénonçait l’évêque, le moine Jérôme, et surtout Rufin, comme des origénistes, et le diocèse de Jérusalem comme atteint tout entier de cette lèpre funeste. Jérôme ne perdit pas un moment pour se justifier, indiquant de quelle façon il suivait Origène, de quelle façon aussi il le condamnait : sa déclaration était nette et précise. Rufin se tint enfermé dans son monastère pour ne point voir Aterbius, esquivant toute explication verbale ou écrite. Quant à l’évêque de Jérusalem, il dédaigna l’accusation du haut de son orgueil, mais il en voulut mortellement à Jérôme d’avoir songé à se disculper quand son évêque gardait le silence.

Le successeur de Cyrille au siège épiscopal de la ville sainte, Jean de Jérusalem, avait en effet bien autre chose en tête que d’absoudre ou condamner Origène et de donner son avis sur la résurrection des corps ; il soutenait alors une guerre de prééminence contre l’évêque de Césarée, son métropolitain. Jean avait reçu de ses prédécesseurs l’héritage de cette guerre, qu’il transmit à ses successeurs. Il paraissait en effet contre toute raison et tout droit aux pasteurs de cette grande église, la première du monde, puisqu’elle avait été le théâtre de la rédemption et le lieu d’assemblée des apôtres, qu’on l’eût réduite à l’état d’église secondaire sous la suprématie de Césarée. Ainsi le voulait la hiérarchie civile, qui, lors de l’établissement ecclésiastique, sous Constantin, avait servi de règle à la hiérarchie religieuse. Or qu’était-ce que Césarée dans l’ordre religieux à côté de Jérusalem ? Cette subordination pesait donc a tous les évêques possesseurs de ce siège, et ils cherchaient l’un après l’autre à la secouer pour se rendre métropolitains eux-mêmes, ou du moins patriarches indépendans, sur leur territoire. Jean menait avec intrépidité cette campagne, qui se termina finalement à l’avantage de son église. Intraitable dans ses prétentions à l’indépendance, il reconnaissait pour ami quiconque les proclamait comme lui ; mais quiconque en doutait était son adversaire, et devenait son ennemi mortel s’il osait appeler de ses décisions au métropolitain, ou communiquer avec le métropolitain sans son intermédiaire. C’est ce qu’avait déjà fait Jérôme, suivant toute probabilité, à en juger par ce qu’il fit plus tard. Jean tenait donc dès lors en suspicion les monastères de Bethléem et leurs habitans. Il faut dire aussi que la renommée qui entourait Jérôme et