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de l’Autriche et de la Prusse a très certainement empêchée de se couvrir de gloire. L’Autriche et la Prusse en effet furent loin d’éprouver pour « le champion du droit et de l’honneur allemand » la sympathie qu’il inspirait aux petits états et aux grands patriotes de la Germanie. M. de Bismark jugea prudent de ne pas se prononcer du tout dans cette « question de succession ; » l’ambassadeur anglais à Berlin remarquait seulement avec une certaine satisfaction (dépêche du 28 novembre) que la fameuse Gazette de la Croix, l’organe intime du ministre et du parti des hobereaux, ne cessait de tourner en ridicule l’enthousiasme de messieurs les libéraux pour la cause de la légitimité dans les duchés, et de parler du jeune duc et de sa famille sur un ton d’hostilité extrême. Le cabinet de Vienne tint un langage plus clair, très décidé, piquant même à rappeler aujourd’hui, — aujourd’hui que l’Autriche plaide assez chaleureusement la cause du prince Frédéric dans le vain espoir d’empêcher Kiel de devenir un port prussien ! En 1863, le cabinet devienne avait de tout autres convictions à ce sujet. « Le comte Rechberg me dit, écrivait lord Bloomfield le 26 novembre, que ces prétentions du duc d’Augustenbourg étaient insoutenables et ne sauraient résister à un examen critique. Le père du duc a renoncé par un acte solennel et pour toujours en son nom et au nom de sa famille ; ni lui ni son fils ne peuvent plus se dégager de cet acte, ou c’en est fait de la foi des traités, et tout prince serait désormais libre de répudier les obligations contractées par son prédécesseur ! Le futur empereur d’Autriche, par exemple, pourrait ainsi déclarer qu’il n’était pas lié par les engagement de Villafranca, et ressaisir la Lombardie… » Dans un autre entretien avec l’ambassadeur anglais (dépêche du 19 novembre), le ministre autrichien citait la curieuse opinion du prince Schwarzenberg, opinion qu’il s’était formée « sur de bonnes autorités juridiques, » à savoir que, les prétentions des Augustenbourg une fois admises, il faudrait reconnaître de toute force que l’empereur de Russie avait des droits bien plus antérieurs et incontestables à la succession dans les duchés !…

Tout en estimant à leur juste valeur les « droits » du prince Frédéric, les deux grandes puissances allemandes ne se firent pourtant pas faute de profiter de l’effervescence que sa cause provoquait en Germanie, de l’excitation toujours croissante des esprits, pour démontrer à l’Angleterre l’impossibilité où elles se trouvaient de résister au courant. M. de Bismark surtout affectait devant M. Buchanan un air « très alarmé ; » il se déclarait débordé par le sentiment populaire et la pression des petits états, — les deux choses que d’ordinaire cependant il redoutait le moins et bravait même le plus volontiers ; — il appréhendait « un mouvement dé-