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« l’opinion » que le roi Christian devrait révoquer « et dans le plus bref délai possible » la patente du 30 mars[1]. Le Danemark s’exécuta (4 décembre), bien que M. Hall ne pût découvrir aucune utilité à cette démarche pénible, le débat étant maintenant transporté sur un tout autre terrain. « Je répondis à M. Hall, écrit sir A. Paget le 9 décembre, que je partageais ses vues et que je n’espérais pas non plus un résultat quelconque de cette révocation ; toutefois, comme le décret de la diète de Francfort se prévaut de la patente du 30 mars pour justifier l’exécution, il est peut-être utile de la retirer… » Après avoir ainsi fait ôter à l’exécution jusqu’à l’ombre d’un prétexte, le cabinet britannique insista de nouveau (depuis le 7 décembre) auprès du gouvernement de Copenhague pour qu’il subît cette mesure fédérale sans résistance et évacuât le Holstein !… La demande était grave, le sacrifice à faire des plus douloureux, car, comme le disait M. Hall à l’ambassadeur anglais (dépêche du 10 décembre), « si le sentiment public était fort en Allemagne, il l’était bien aussi dans le Danemark. » Et puis, l’exécution n’ayant plus aucun prétexte quant au Holstein, c’était donc en vue du Slesvig qu’on voulait entrer sur le territoire danois. Le Bund le déclarait d’ailleurs en propres termes, et les deux grandes puissances allemandes commençaient, elles aussi, à tenir le même langage. Déjà en effet la demi-mesure de M. de Bismark prenait distinctement les amples formes d’une mesure des plus complètes : ce n’étaient plus les petits états « qui méconnaissaient l’autorité du roi, » M. de Rechberg lui-même déclarait (dans la séance du reichsrath du 4 décembre) que l’occupation du Holstein ne préjugeait en rien « la question de succession, » c’est-à-dire, pour parler le langage du ministre de Guillaume Ier, que l’exécution ne serait point une reconnaissance indirecte de la souveraineté du roi Christian dans les duchés. En même temps les cours de Vienne et de Berlin refusaient de recevoir l’amiral Irminger, qui devait simplement leur notifier l’avènement du nouveau monarque danois[2]. Sir A. Paget

  1. Voyez, sur la signification de cette patente, la quatrième partie de cette étude, les Duchés de l’Elbe et les interventions anglaises (Revue du 1er avril).
  2. « Je demandai à M. de Bismark, — écrit lord Wodebouse le 12 décembre, — sur quoi au monde l’Autriche et la Prusse peuvent se fonder pour ne pas recevoir un envoyé de Christian IX venant leur annoncer l’accession de ce souverain au trône du Danemark. La diète de Francfort ne prétend pas, je suppose, étendre ses droits jusque sur le Danemark proprement dit, et si Christian IX n’est pas le roi de ce pays, je serais bien aise d’apprendre qui doit être considéré comme tel… » L’amiral Irminger avait attendu huit jours à Berlin sans obtenir une audience du roi ; on finit par lui en promettre une à son retour de Vienne. « J’ai exprimé à ce sujet, écrivait M. Buchanan le 5 décembre, mes appréhensions à M. de Bismark que le comte Rechberg ne vit dans cet arrangement un désir de la Prusse de rejeter sur le dos de l’Autriche une cause d’impopularité… » Les appréhensions de sir A. Buchanan ne tardèrent pas à se vérifier. Le comte Rechberg renvoya à la Prusse « une cause d’impopularité… » L’amiral ne fut pas admis devant l’empereur François-Joseph, et dès lors il devint naturellement « impossible » de l’admettre devant le roi Guillaume Ier.