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Lhuys exprimât vers le même temps à M. Grey ses doutes sur une issue pacifique possible, et que sir A. Malet prédît (2 janvier 1864) la ruine certaine de la monarchie danoise, si elle n’était point secourue ?

Lord Russell s’obstina pourtant dans ses espérances de paix, N’avait-il pas offert sa « médiation » à l’Allemagne ? L’Angleterre, la Russie et la France n’avaient-elles pas aussi envoyé une ambassade spéciale à Copenhague, ambassade pleine de solennité et de persuasion ? Il est vrai que des trois personnages qui composaient cette « mission extraordinaire, » l’un parlait peu et manquait souvent d’instructions, tandis que l’autre en était amplement pourvu et ne soufflait mot pour cela. Arrivé le 16 au soir à Copenhague, le général Fleury en repartit dès le 20, ayant soigneusement évité toute démarche commune avec ses deux collègues : il s’était contenté d’une ou deux entrevues avec le roi et M. Hall. Invité par lord Wodehouse à joindre ses efforts aux siens, le général Fleury répondit « que ses instructions n’étaient pas qu’il prît part ici à des négociations, mais de faire savoir d’une manière explicité au gouvernement du roi Christian que, si le Danemark était engagé dans une guerre avec l’Allemagne, la France ne lui viendrait pas en aide… » L’envoyé spécial de Russie, le conseiller d’état M. d’Ewers, fit preuve de plus de confraternité. Il en référait trop souvent peut-être à Saint-Pétersbourg à propos de tout incident, mais il ne refusait jamais d’assister lord Wodehouse et sir A. Paget dans leurs pourparlers avec les divers membres du gouvernement. Lui aussi, il recommandait la soumission absolue aux exigences de l’Allemagne ; il ne compromettait guère par de pareilles recommandations les bons rapports du prince Gortchakov avec M. de Bismark. Le premier et important résultat de cette étrange mission fut, comme on l’a vu plus haut, l’évacuation du Holstein par les Danois devant les troupes fédérales. Cette concession obtenue, l’envoyé de l’Angleterre se mit en devoir de faire agréer au gouvernement de Copenhague un second sacrifice bien plus immense, le retrait de la loi fondamentale du pays ! Ce point ne se trouvait pas dans les instructions qu’il avait emportées de Londres : le principal secrétaire d’état britannique n’avait pas encore prévu alors cette nécessité impérieuse ; mais, informé depuis de l’ultimatum posé à Berlin, il s’était empressé d’écrire le 17 décembre une note à l’adresse du Danemark et d’y réunir les « argumens pour la révocation de la constitution. » Le ministre qui n’avait pas trouvé une seule objection à faire contre la loi pendant les six semaines que dura la discussion du rigsraad, le ministre qui, un mois auparavant, n’avait pas osé en déconseiller la signature au roi Christian montant sur le trône, le même ministre, subitement illuminé, déclarait maintenant cette constitu-