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teur constant et interminable dans les comités du Bund, l’homme qui maintenant avait surtout à cœur de bien établir les droits héréditaires du duc d’Augustenbourg. Nous ne saurions trop dire ce qu’était dans le triumvirat M. de Dalwigk ; bornons-nous à constater qu’il faisait nombre. Quant à M. de Beust, il fut le diplomate par excellence, le Richelieu, le Talleyrand et le prince de Ligne de cette troisième Allemagne en train de se former.

Fier de ses succès de salon, de sa prestance et de l’air dégagé de ses notes, M. de Beust n’a jamais pu se consoler d’être le grand ministre d’un tout petit royaume. C’est, à ce qu’on prétend, lord Clarendon qui le définit un jour « un aigle en cage, » et il est certain dans tous les cas que l’homme d’état que son portefeuille attachait à la jolie ville de Dresde n’a négligé aucune occasion de constater qu’il aspirait vers la région des tempêtes, qu’il savait regarder le soleil et pousser bravement son cri. A l’époque de la guerre d’Italie par exemple, il engageait une polémique acerbe avec le prince Gortchakov pour prouver que l’Allemagne était un « grand tout, » ayant le droit de secourir l’Autriche contre la France, et il n’avait pas encore fini sa démonstration lorsqu’intervint la paix de Villafranca. On se doute bien quelle fascination exerça sur cet esprit remuant la grande effervescence du patriotisme germanique dans la cause des duchés. Au mois de décembre 1863, il tint à la chambre de Dresde un discours significatif que lord Russell s’empressa de dénoncer à l’indignation de MM. de Rechberg et de Bismark. « Il est à peine nécessaire de rappeler à la chambre, disait M. de Beust, que le gouvernement de la Saxe a depuis nombre d’années plaidé ce principe, que les états secondaires devraient cimenter entre eux une alliance étroite : l’idée dominante de ce projet était qu’une occasion pourrait se présenter où ce groupe, influent s’il est uni, aurait non-seulement à imposer aux deux grandes puissances (l’Autriche et la Prusse) une ligne politique purement allemande, mais à poursuivre cette ligne contre la volonté même de ces puissances… » Quant au traité de Londres, le ministre de Saxe avait été l’un des premiers à le déclarer lettre morte malgré la signature qu’il avait apposée dans le temps à cet acte international. Interpellé à ce sujet par M. Murray, ambassadeur anglais près la cour de Dresde (dépêche du 26 décembre), M. de Beust répondit qu’il avait bien pu donner au traité de Londres son « assentiment, » mais qu’il ne lui avait jamais accordé son « adhésion ! »

Dans un curieux entretien qu’eut un jour M. de Bismark avec l’envoyé danois au commencement d’octobre 1863, — à l’époque où il conspirait avec M. Quaade et M, Buchanan pour le bonheur du Dane