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nerai de fer dans les monts Ozark ; les masses métalliques d’Iron-Mountain et de Pilot-Knob rivalisent pour la qualité avec les célèbres gisemens de l’île d’Elbe, de la Suède et de la Norvège.

La population française de Saint-Louis a été de tout temps et reste encore aujourd’hui attachée à l’esclavage ; à sa fidélité aux anciennes traditions coloniales se mêle je ne sais quel dédain instinctif et méfiant pour tout ce qui passionne les faces envahissantes dont elle se trouve enveloppée. C’est, je dois le dire, pour un Français un spectacle douloureux que celui de cette population aimable, riche, estimable, mais, par sa propre faute, presque absolument privée d’influence. Tandis que tout marche autour d’elle, elle reste et veut rester stationnaire. Elle ne descend point dans l’arène politique et n’a pas encore fourni à. la république un seul homme d’état. Le clergé catholique, très riche et par ses vertus très digne de respect, ne laisse guère percer d’autre préoccupation que celle de soustraire les enfans catholiques aux écoles publiques, où l’éducation est gratuite et conserve un caractère tout à fait laïque. Saint-Louis fait involontairement penser à telle ville de province en France à la fois timide et frondeuse, endormie, paresseuse, gouvernée par des gens qu’elle connaît à peine ou qu’elle ne connaît point, insouciante ou ignorante de ses droits municipaux, et politiques, contente d’elle-même sans rien néanmoins attendre d’elle-même. Otez-lui de plus la fierté nationale, l’écho des voix lointaines de la capitale, le sentiment obscur et profond de je ne sais quelle puissante solidarité qui sert de ciment à toutes les âmes, l’assurance enfin d’une grande destinée pour la nation : voilà du moins le Saint-Louis des Français. A côté de celui-là se trouve le Saint-Louis des Américains et des Allemands. Il ne paraît pas dans cette grande ville un seul journal français ; en revanche on y publie un grand nombre de journaux anglais et allemands. C’est peut-être dans la population, germanique qu’il faut chercher les défenseurs les plus exaltés de l’Union, les ennemis les plus résolus de l’esclavage. Moins familiarisés toutefois que les émigrans de race anglo-saxonne avec les habitudes de la vie publique, les Allemands apportent encore dans les luttes politiques un enthousiasme trop irréfléchi, une certaine naïveté qui se repaît facilement, de phrases creuses, un entêtement qui s’use dans de misérables personnalités. En flattant leur passion démagogique et leur vanité, quelques meneurs hostiles à M. Lincoln avaient réussi à leur faire adopter la candidature du général Fremont au commencement de la campagne présidentielle de 1864, et quand le général se retira de la lice, les radicaux missouriens ne prêtèrent au candidat républicain qu’un appui fort tiède.