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elle a subi toutes ces transformations, elle représente au moins un capital de 80 millions de dollars en or[1].

Conemaugh est un centre industriel placé au cœur même des Alleghanys. Les vastes usines à fer s’y adossent à des collines en exploitation de remblais extraits des galeries. Les panaches épais vomis par les cheminées traînent sur toute la ville. Les habitations ouvrières, toutes construites sur le même plan, sont assez semblables aux petites maisons qu’on voit dans les faubourgs de Londres ; seulement elles restent isolées, tandis qu’à Londres, appuyées les unes contre les autres, elles forment de longs et monotones massifs de brique. On est heureux de sortir de la fumée de ces usines de Conemaugh et de rentrer dans la solitude des bois. Des sapins foncés et des pins bleuâtres bordent les torrens, et presque partout les rochers se recouvrent du manteau luisant des rhododendrons. Les formes des vallées alléghaniennes sont très saisissantes : par momens, on peut se croire transporté dans les montagnes du Jura, tant il y a de ressemblance entre les deux chaînes. Seulement en Amérique ce n’est point le terrain du jurassique, c’est le terrain carbonifère qui se trouve replié en larges ondulations. Comme dans notre Jura, ces plis grandioses forment de grandes chaînes parallèles, droites, et séparées par des vallées longitudinales quelquefois fort élevées. Ces murailles de forêts sont interrompues par des vallées transversales pareilles aux combes du Jura français où aux cluses de la Suisse. De la sorte, chaque chaînon, aux deux bouts terminé sur deux combes, ressemble à une chenille, et l’ensemble de la vaste chaîne qui va de la Pensylvanie au Tennessee ne saurait mieux se comparer qu’à un peuple de chenilles rangées les unes au bout des autres sur plusieurs lignes parallèles. Les grands fleuves ne descendent point les vallées longitudinales, ils serpentent de combe en combe, ajoutant ainsi à la sauvage majesté de ces gigantesques coupures, De toutes parts, quand on en suit le cours tortueux, on voit les couches terrestres repliées en immenses arceaux, en berceaux symétriques ; les joints tracent des courbes majestueuses qui témoignent de l’écrasement formidable dont fut accompagné le soulèvement de l’Alleghany. Les combes sont de véritables défilés, mais les vallées longitudi-

  1. Les quantités de fer a l’anthracite produites en Pensylvanie ont été pendant cinq années :
    tonnes
    1859 286,332
    1860 313,000
    1861 310,000
    1862 381,000
    1863 430,000