Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dition militaire. On étudia un plan de campagne : on arrêta l’effectif des corps d’armée, qui devaient se composer de 20,000 hommes (12,000 Anglais, tirés en grande partie des garnisons de l’Inde, et 8,000 Français). On régla les attributions des commandemens, qui furent confiés pour le corps français au général de division Cousin-Montauban, et pour le corps anglais au lieutenant-général sir Hope Grant. On pressa avec la plus grande activité l’embarquement des troupes ainsi que l’envoi des approvisionnemens de toute nature. Dès le mois de janvier 1860, le contingent français avait pris la mer et était en route pour la Chine. Le déploiement considérable de forces navales appelées à concourir à cette campagne lointaine engagea le gouvernement français à placer son escadre sous les ordres d’un vice-amiral, et le 4 février 1860 M. Charner fut nommé à ce poste important. Enfin les deux gouvernemens jugèrent que le succès des négociations diplomatiques, soit pour prévenir, soit pour terminer la guerre, serait facilité par l’intervention personnelle des signataires des traités de Tien-tsin. Ils remirent donc une seconde fois leurs pleins pouvoirs au baron Gros et à lord Elgin, qui allaient se retrouver ainsi en présence de leurs anciens adversaires et sur un terrain qu’ils connaissaient.

Pendant que les cabinets de Paris et de Londres se concertaient pour l’action commune, la situation des affaires en Chine ne s’améliorait pas. M. Bruce avait reçu au commencement de janvier les instructions de lord John Russell, dont on a lu plus haut le résumé ; mais son collègue, M. de Bourboulon, n’avait pas encore les instructions qu’il attendait, et il était très essentiel que les deux ministres se missent d’accord pour adresser en même temps et dans les mêmes termes leur ultimatum au gouvernement chinois. En outre l’amiral Hope, commandant en chef de l’escadre anglaise, déclarait qu’il ne pourrait avant le mois d’avril disposer de forces suffisantes pour appuyer les clauses comminatoires qui devaient être insérées dans cet ultimatum. Les deux ministres continuaient à résider à Shang-haï, au milieu de la colonie européenne, qui se livrait à ses opérations commerciales avec une entière liberté. Ils attendaient, sans la voir venir, une communication de Pékin. Ils avaient appris qu’un décret impérial recommandait aux gouverneurs des provinces de ne commettre aucun acte d’hostilité, de se montrer même bienveillans à l’égard des Européens ; mais évidemment cette attitude ne pouvait être acceptée comme un regret, encore moins comme une excuse de l’incident de Takou. On arriva ainsi au mois de mars. Alors seulement (le 14 mars) MM. Bruce et de Bourboulon, qui n’avaient point encore avis de la nomination de lord Elgin et du baron Gros, se trouvèrent prêts à adresser à Pékin