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D’autres preuves ne sont pas moins péremptoires. Depuis l’ouverture des hostilités, la situation de toutes les classes de la population s’est sensiblement améliorée dans les pays du nord. Les riches sont devenus plus riches, les travailleurs ont obtenu de plus forts salaires, et par conséquent sont plus à leur aise. Les causes de ce progrès sont évidentes. Les commandes du gouvernement ont donné une prodigieuse impulsion aux fabriques du nord et à l’agriculture de l’ouest ; en outre des centaines de mille hommes, en entrant dans les rangs de l’armée, ont fait augmenter les salaires de ceux qui sont restés dans les grandes villes. On a dû faire appel à la charité publique moins fréquemment que par le passé, et malgré de nombreuses souscriptions aux emprunts nationaux faites directement par les classes travailleuses, l’importance des capitaux mis à la disposition des caisses d’épargne a rapidement grandi.

Qu’il nous suffise de citer en exemple les caisses d’épargne des états de Massachusetts et de New-York, qui peuvent être considérés comme les représentans des autres états du centre et de la Nouvelle-Angleterre. Au Massachusetts, le total des sommes déposées dans les caisses d’épargne en octobre 1860 s’élevait à 243,292,874 francs, appartenant à 230,068 déposans, la moyenne de chaque livret étant de 1,036 francs par tête. En octobre 1864, l’ensemble des dépôts était de 337,811,062 francs, appartenant à 291,616 personnes ; la moyenne par déposant s’était donc élevée à 1,158 fr, Ainsi, pendant les quatre années de la guerre, l’accroissement avait été de près de 100 millions sur le montant des dépôts, de 120 fr. sur la moyenne, et de plus de 60,000 sur le nombre des déposans. Il y a plus de comptes ouverts dans les caisses d’épargne qu’il n’y a de chefs de famille dans le Massachusetts tout entier. Chose remarquable, en 1862 le capital réuni de toutes les banques de cet état ne dépassait pas la somme de 360,941,400 fr., de sorte que les économies du pauvre égalaient presque en importance le capital employé dans les grandes affaires du principal état manufacturier de l’Union. Dans l’état de New-York, les progrès ont été encore plus remarquables. Au 1er janvier 1860, les sommes déposées dans les caisses d’épargne de New-York s’élevaient au total de 328,068,338 fr., et le nombre des déposans était de 273,697, ayant versé en moyenne 1,198 fr. Au mois de janvier 1865, ces banques devaient à 456,403 personnes la somme formidable de 644,443,522 fr., soit environ 1,406 fr. par déposant. Pendant la guerre, les dépôts se sont donc accrus dans le seul état de New-York de plus de 300 millions, ou de près de 100 pour 100 ; plus de 182,000 personnes ont grossi le nombre des déposans, et la moyenne de chaque compte s’est élevée de plus de 200 fr. Ainsi les populations se sont également enrichies dans les états de New-York et de Massachusetts, dont l’un est presque uniquement agricole et commercial, tandis que l’autre est principalement manufacturier. Il faut remarquer aussi que les caisses d’épargne ne reçoivent point l’argent des riches, de sorte que l’augmentation considérable du capital de