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III

Nous pouvons admettre, sans crainte de nous tromper, qu’en l’année 1870 le mouvement industriel aura repris sa marche normale dans les états du sud, et que les populations jadis rebelles seront parfaitement en mesure de contribuer à l’accroissement des revenus de l’Union. Dans ce cas, ce n’est certainement pas une exagération d’évaluer au moins à 25 pour 100 l’apport des états du sud dans l’ensemble des richesses de la république américaine. En acceptant cette estimation, et en fixant le budget annuel de la paix à 1 milliard 800 millions pour la décade qui s’écoulera de 1870 à 1880, et à 1 milliard 340 millions pour la décade suivante, le docteur Elder a prouvé qu’il serait facile de payer complètement la dette nationale avant 1890, sans qu’il en résultat une gêne considérable. Que l’on consacre seulement 1 pour 100 de la production totale des États-Unis à l’amortissement du capital de 16 milliards 200 millions, et la dette américaine, diminuant d’année en année, ne sera plus que de 575 millions en 1880, de 316 millions en 1885, de 32 millions en 1889, pour être l’année suivante définitivement rayée du grand-livre.

Des ennemis de la cause défendue par les États-Unis se sont étudiés à répandre l’idée que le gouvernement fédéral en viendrait quelque jour à repousser la dette de la guerre et à faire tout simplement banqueroute. Un pareil soupçon est vraiment injustifiable, et rien dans le passé de l’Union ne peut l’autoriser. Disons-le nettement, la doctrine de la banqueroute (repudiation) a été inventée par les mêmes hommes qui ont prêché les state-rights et le droit de sécession. C’est dans l’état du Mississipi que cette doctrine a été mise en pratique pour la première fois, et c’est Jefferson Davis qui s’en était fait le grand apôtre. Récemment, lorsque le président des états soi-disant confédérés refusait d’accepter le papier-monnaie qu’il avait émis lui-même, il ne faisait que recommencer, sur de plus grandes proportions, l’œuvre de sa jeunesse. Quant au gouvernement des États-Unis, non-seulement il n’a jamais refusé de payer le capital ou l’intérêt de ses obligations, mais il a su même acquitter en entier une dette contractée dans des circonstances analogues à celles de la guerre qui vient de finir. En 1816, après sa lutte contre l’Angleterre, la république américaine était obérée d’une dette de 686 millions de francs, constituant une charge moyenne de plus de 79 fr. par personne et 7 pour 100 de la valeur approximative de toutes les propriétés de l’Union. Cette dette s’élevait donc proportionnellement à la moitié de la dette actuelle, et cependant elle fut entièrement remboursée en dix-neuf années par le surplus des ressources ordinaires du trésor, sans qu’il eût été nécessaire de recourir à des taxes spéciales et sans que le moindre embarras financier eût entravé