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lui d’une satisfaction générale. Les Anglais sont très heureux de leur sort, et ne cessent point de le proclamer et de se le répéter à eux-mêmes. Ils sont heureux d’avoir conservé la paix ; ils sont satisfaits d’avoir pratiqué avec un courage inébranlable la politique de non-intervention ; ils sont fiers d’avoir diminué leurs taxes et d’avoir devant eux la perspective de nouvelles réductions d’impôt ; ils sont glorieux d’avoir réalisé la liberté du commerce et d’avoir propagé en Europe la doctrine du libre échange. Ils ont en outre le sentiment de la vertu bienfaisante de la libre discussion ; ils ont la conviction que chez eux la libre opinion publique restera toujours maîtresse du gouvernement, et obtiendra toutes les réformes et tous les progrès, quand elle-même elle en aura sonné l’heure. Les idées libérales y jouissent avec une sécurité complète de leurs succès passés, et y goûtent d’avance les succès certains que l’avenir leur réserve. Certes, en Europe, durant ces six dernières années, on a, en mainte occasion, porté sur les Anglais des jugemens bien différens ; on les a trouvés à la fois très révolutionnaires et très prudemment égoïstes dans les affaires d’Italie ; on les a accusés de manquer de chevalerie dans la question polonaise ; ils ont paru assez médiocres dans l’affaire danoise ; on leur en a voulu comme à des alliés qui faussaient compagnie dans l’aventure du Mexique ; on a cru qu’ils n’osaient pas soutenir la politique de leurs opinions et de leurs intérêts dans la guerre civile des États-Unis ; on les dénonçait comme énervés par les vieux ministres septuagénaires et octogénaires qu’ils conservent à leur tête comme des momies embaumées. La campagne de six années d’une législature finie, c’est d’une tout autre façon qu’ils dressent eux-mêmes leur bilan. Ils rappellent que depuis 1860 ils ont opéré sur leurs taxes des réductions qui se montent à 400 millions de francs, et qu’ils possèdent un revenu annuel supérieur à celui avec lequel ils ont commencé cette œuvre prodigieuse de dégrèvement. Ils disent que pendant la même période ils ont réduit de 300 millions le capital de leur dette publique. Lord Stanley annonçait l’autre jour à ses électeurs qu’il était possible avant peu de diminuer encore la taxation du pays de 5 millions sterling par an. Certes, quand on voit l’usage que les Anglais savent faire de la paix, il est difficile de contredire les éloges qu’ils se décernent et de ne pas regretter que ces exemples aient si peu d’imitateurs parmi les gouvernemens de notre continent.

Dans un pays qui se sent bien gouverné, gouverné dans le courant de ses idées et de ses intérêts, les chances de l’opposition sont petites. Aussi l’opposition est-elle peu bruyante aux hustings. Le parti tory maintiendra à peu près ses forces parlementaires, grâce aux influences locales sur lesquelles il s’appuie, influences protégées elles-mêmes par le système électoral en vigueur ; il perdra cependant quelques voix, et il aura surtout contre lui les imposantes démonstrations des votes des grandes villes. Londres s’est vraiment conduit dans cette occasion comme la métropole intellectuelle d’un empire. Les tories n’avaient essayé la lutte que dans