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opposé à une nouvelle extension du droit du suffrage, M. Horsman, vient d’être réélu. Pris en masse, le parti libéral dans la nouvelle chambre se sera accru en nombre ; mais aussi sur certaines questions les scissions éclateront avec moins de ménagement entre les fractions dont il se compose. Il ne faudrait pas une trop grande victoire numérique du parti libéral pour que le ministère pût maintenir l’équilibre artificiel d’opinion et de conduite qui l’a fait vivre depuis six ans.

Ce n’est point de cette prospère exubérance de vie que l’Autriche nous présente l’image. Cependant les derniers incidens politiques qui ont eu lieu à Vienne, et que nous avions pressentis, sont loin d’être dépourvus d’intérêt. L’empereur d’Autriche a pris courageusement un grand parti : il veut essayer de se réconcilier politiquement avec la Hongrie. Le système unitaire et centralisateur de M. de Schmerling est abandonné ; l’opinion qui veut tenir plus de compte des aspirations originales des nationalités qui composent l’empire prévaut avec M. de Mensdorf-Pouilly et le comte Belcredi. La politique de M. de Schmerling, à en juger par les résultats, n’avait réussi à rien. M. de Schmerling a eu sans doute le mérite d’aider à l’établissement du régime constitutionnel en Autriche, la droiture et la loyauté de ses intentions doivent être reconnues ; mais il n’a rien fait de sensible pour la réorganisation de l’empire autrichien. Il n’obtenait rien des grandes nationalités dissidentes, et, les choses restant de ce côté dans un état précaire, on ne réduisait pas les armemens, on ne pouvait parvenir à rétablir les finances. Le statu quo devenait périlleux et inquiétant. Nous ne sommes point surpris de cet échec. Il eût fallu, pour qu’elle réussit, que l’œuvre d’unification et de centralisation politique au moyen des institutions représentatives eût été tentée depuis un siècle. Voyez l’Angleterre : il y a un siècle et demi qu’elle s’est uni l’Ecosse, il y a plus de soixante ans qu’elle s’est uni l’Irlande, et de ces deux unions il n’y en a qu’une qui ait complètement réussi jusqu’à ce jour. Nous ne sommes pas d’ailleurs à une époque où le travail de fusion entre des nationalités qui ont conservé leur originalité persistante se puisse accomplir. Il faut donc que l’Autriche, si elle veut tenter quelque chose de pratique, s’efforce de vivre par un système de concessions intelligentes et de compromis avec les élémens variés dont elle est formée. La réconciliation de la Hongrie doit être la base de cette politique aussi humaine que raisonnable. Quand la cour de Vienne est mal avec la Hongrie, à un malaise intérieur s’ajoute pour elle un véritable affaiblissement vis-à-vis de l’étranger. Il est difficile à l’Autriche d’avoir au dehors une politique décidée lorsqu’elle se sent intérieurement déchirée. Aussi a-t-on vu dans ces derniers temps la politique de M. de Schmerling, trop allemande à l’intérieur, manquer de force pour être assez allemande vis-à-vis de la Prusse et protéger suffisamment dans l’affaire des duchés la cause des états moyens contre les envahissemens de la Prusse. Par contre, il est permis d’espérer que le jour où elle se sera entendue avec la Hongrie, la cour de Vienne se sentira plus capable de