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mène nouveau, l’expérimentateur ne fait que réaliser des conditions phénoménales nouvelles ; mais il ne crée rien, ni comme force ni comme matière. À la fin du siècle dernier, la science a proclamé une grande vérité, à savoir qu’en fait de matière rien ne se perd ni rien ne se crée dans la nature ; tous les corps, dont les propriétés varient sans cesse sous nos yeux, ne sont que des transmutations d’agrégats de matières équivalentes en poids. Dans ces derniers temps, la science a proclamé une seconde vérité dont elle poursuit encore la démonstration, et qui est en quelque sorte le complément de la première, à savoir qu’en fait de forces rien ne se perd ni rien ne se crée dans la nature ; d’où il suit que toutes les formes des phénomènes de l’univers, variées à l’infini, ne sont que des transformations équivalentes de forces les unes dans les autres. Sans vouloir aborder ici la question de la nature des forcée minérales et des forces vitales, qu’il me suffise de dire que les deux vérités que je viens d’énoncer sont universelles, et qu’elles embrassent les phénomènes des corps vivans aussi bien que ceux des corps bruts.

Comme conséquence de ce qui précède, nous voyons que tous les phénomènes, de quelque ordre qu’ils soient, existent virtuellement dans les lois immuables de la nature, et qu’ils ne se manifestent que lorsque leurs conditions d’existence sont réalisées. Les corps et les êtres qui sont à la surface de notre terre expriment le rapport harmonieux des conditions cosmiques de notre planète et de notre atmosphère avec les êtres et les phénomènes dont elles permettent l’existence. D’autres conditions cosmiques feraient nécessairement apparaître un autre monde dans lequel se manifesteraient tous les phénomènes qui y rencontreraient leurs conditions d’existence, et dans lequel disparaîtraient tous ceux qui ne pourraient s’y développer ; mais quelles que soient les variétés de phénomènes infinies que nous concevions sur la terre, en nous plaçant par la pensée dans toutes les conditions cosmiques que notre imagination peut enfanter, nous sommes toujours obligés d’admettre que tout cela se passera d’après les lois de la physique, de la chimie et de la physiologie, qui existent à notre insu de toute éternité, et que dans tout ce qui arriverait il n’y aurait rien de créé ni en force ni en matière, qu’il y aurait seulement production de rapports différens, et par suite création d’êtres et de phénomènes nouveaux.

Quand un chimiste fait apparaître un corps nouveau dans la nature, il ne saurait se flatter d’avoir créé les lois qui l’ont fait naître ; il n’a fait que réaliser les conditions qu’exigeait la loi créatrice pour se manifester. Il en est de même pour les corps organisés : un