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Charles-Albert de Bavière s’arrangeait pour prendre possession de Prague. Le cercle, on le voit, se rétrécissait. Des défaites partout avaient garni d’ennemis la frontière de l’archiduché même, et, pendant que Frédéric demandait la ville de Breslau et que le gouvernement anglais conseillait tout simplement de lui « donner tout ce qu’il voudrait, » les armées coalisées se préparaient à la campagne de Bohême, et l’électeur de Bavière, maître de la Haute-Autriche, menaçait Vienne de son avant-poste de Linz, où il fit le 15 septembre 1741 une entrée triomphale. Ce qu’il y eut de plus triste, c’est que partout le peu de résistance des populations et la facile adhésion d’une bonne partie des hautes classes confirmèrent l’étranger dans la supposition que ce règne, si mal commencé, ne s’affermirait point entre les mains d’une femme à qui l’on disputait ses droits souverains et d’un prince qui n’en avait acquis aucun. A défaut de couronne impériale, il fallait absolument le pouvoir royal étendu sur le grand-duc, et cela ne pouvait se faire qu’en Hongrie. Le couronnement de la reine était donc d’urgence ; mais, pas plus alors que dans d’autres temps, les Hongrois ne se sentaient de vocation pour les sacrifices gratuits. Ils étaient pleins de méfiance à l’endroit de la maison de Habsbourg, et les témoins vivaient encore de la terrible rébellion de Rakoczy, dont le souvenir se retrouvait partout.

« Il n’y a aucun doute, dit un historien contemporain, dont le patriotisme autrichien ne se peut contester[1], il n’y a aucun doute que les ennemis étrangers qui ne poursuivaient que l’humiliation, sinon la complète destruction de l’Autriche, n’aient compté avec certitude sur la défection des Hongrois, et cru que, dans cette partie la plus importante de tout son territoire, aucun appui ne serait offert à la couronne. » À ces défiances de la Hongrie, Vienne, on se l’imagine, répondait par de l’éloignement, et alors, comme depuis, on ne dut la possibilité d’une entente nouvelle qu’aux efforts de quelques individus isolés qui sentaient combien l’empire et le royaume se devaient à de communs intérêts. En Hongrie, Marie-Thérèse trouva son meilleur soutien dans le judex curiœ, le baron Palffy, et dans le baron Grassalkovics, président de la chambre basse. A Vienne, un de ceux qui encouragèrent l’idée de se mettre en règle avec la Hongrie fut le vieux comte Gündacker Stahremberg, lequel s’était déjà, quatre jours après la mort de l’empereur Charles (24 octobre 1740), prononcé hautement en faveur de la convocation de la diète hongroise.

La naissance d’un héritier vint précipiter les choses ; Joseph II

  1. Arneth, Maria-Theresia, erste Regierung’s Jahre.