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en communication avec ses sujets hongrois, elle seule se sentît le courage de tenter l’aventure. Autour d’elle, tous auguraient mal de l’expédition : « La reine garde l’espoir d’agir par sa présence personnelle sur cette diète, » dit le Vénitien Capello, pour qui Marie-Thérèse est l’objet d’une étude minutieuse pendant plusieurs années. On le voit, c’est encore en elle-même qu’elle espère, toujours à elle-même que dans tout moment critique elle a recours.

Marie-Thérèse fut couronnée le 25 juin 1741, après une suite de combats parlementaires qui font assez clairement voir qu’elle ne gagnait guère à cela que le droit de s’intituler légalement reine de Hongrie. C’était une trêve. Le lendemain, la guerre recommença de plus belle. Toutes les questions qui s’agitent aujourd’hui ne sont que la répétition de celles qui s’agitaient en 1741 : privilèges du clergé, droits de catholiques et de protestans, immunités que voulait la noblesse, libertés que réclamaient la bourgeoisie et la petite gentilhommerie, incorporation de la Transylvanie, mais surtout et avant tout séparation des intérêts du royaume de ceux de l’empire, — en un mot le plus de dualisme possible ! La Hongrie gouvernée par les Hongrois, l’indigénat entouré d’entraves afin de décourager les étrangers, et l’éloignement de toute influence autrichienne, c’étaient là quelques-unes des demandes dont ses nouveaux sujets ne cessaient de poursuivre leur souveraine. Parmi ces demandes elles-mêmes, il y en avait d’excessives, comme il y en avait de très justes ; dans l’hésitation de la reine à les accorder, il y eut, mêlée à beaucoup de fermeté, une pointe de maladresse, et des deux côtés cela ne pouvait être autrement, car involontairement la confiance parfaite manquait d’un côté comme de l’autre, et dans les exigences ainsi que dans les atermoiemens le sentiment personnel jouait un très grand rôle. Naturellement les Hongrois s’inspiraient d’une aversion démesurée pour les « ministres allemands, » que naturellement aussi la fille de Charles VI cherchait jusqu’à un certain point[1] à défendre. Ensuite la forme ici encore emporta le fond, et on n’était pas entré en discussion depuis une semaine, que le ton des débats mêmes mit de l’amertume là où l’objet débattu n’en mettait point. On commença par marchander à la nouvelle reine le « don du couronnement, » qu’on ne lui accorda à peu près convenable qu’après des disputes qui blessaient tout en Marie-Thérèse ; mais elle était venue à Presbourg pour vaincre les Hongrois, et elle y resta mal-

  1. Je dis « jusqu’à un certain point, » car au mois de juillet, peu de temps après son couronnement, elle avoua au comte Joseph Esterhazy, pour qui elle se sentait une estime particulière, que ses « ministres allemands manquaient certainement de goût pour les Hongrois. »