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la déclamation bien entendue, du caractère comme chez Méhul, de la terreur comme chez Weber, la périodicité, l’entrain, le brio, la poudre d’or et le clinquant comme chez l’auteur de Cenerentola et d’Aureliano in Palmira ! N’allons pas croire cependant qu’Hérold disparaisse dans la tourmente. La main qui rassemble et coordonne tous ces élémens est une main de maître. Le finale du premier acte a des parties d’un ordre supérieur, et le duo de Zampa et de Camille au troisième vaut les meilleures choses pour le mouvement passionné de la mélodie. Le côté critique de cet ouvrage, d’ailleurs si remarquable, c’est, comme presque toujours chez Hérold, la diffusion des styles. La phrase austère et sobre de Joseph y coudoie l’air de bravoure Italien, l’obsédante chansonnette y disperse de son chant de coq importun tous ces fantômes à peine évoqués du monde surnaturel. Mozart, Méhul, Weber, Rossini, Auber, combien ne sont-ils pas ceux qui ont aidé à l’hybride formation de ce charmant et superbe monstre, ! Vous retrouvez dans Zampa l’écho de toutes les inspirations, de toutes les grandes voix du moment. Sous la mobile surface de cet orchestre plein de pressentimens et de mystères, vous distinguez Weber ; ces duos, ces finales colorés à la vénitienne, conçus, menés avec la vigoureuse autorité des maîtres, vous parlent de Rossini, tandis que de ci et de là les menus détails, la grâce, l’esprit, la note brillante, le trait vif et piquant, circulant comme un essaim d’abeilles familières, bourdonnent à vos oreilles les noms de Boïeldieu et d’Auber. A chaque instant, on regrette que l’homme capable de reproduire l’art des autres avec cette intensité de réflexion, cette suprême habileté de touche, qu’un si rare talent ne sache point davantage prendre parti pour lui-même. C’est qu’Hérold, disons-le, n’a pas de personnalité ; l’invention immédiate lui fait défaut ; son opéra-comique, plus grand que celui d’Auber, n’est qu’une réduction du grand opéra. Ces démons que son romantisme ironique appelle en se jouant, M. Auber a trop d’esprit pour les prendre au sérieux ; il les persifle, s’en amuse. Hérold au contraire croit très dévotement aux spectres qu’il déchaîne ; mais comme après tout son surnaturel n’est qu’une fantasmagorie d’opéra-comique, nulle épouvante à la longue ne s’en dégage, et l’idéal poursuivi des Mozart, des Weber, des Meyerbeer, n’est pas atteint. Dans le libretto, même amalgame, même désaccord. Tandis que Méhul, Auber, Weber et Rossini vous regardent par les trous de cette musique, vous vous prenez à penser aux poèmes de Don Juan, de Faust, à la pièce de Fra Diavolo ; à défaut des caractères typiques, des passions motrices, vous avez les masques et les scènes.

Zampa, lors de sa première apparition à Ventadour, n’eut point le succès qu’on raconte. Plus de bruit que d’argent, telle fut la moralité de cette comédie. En France et ailleurs, le renom d’Hérold s’en accrut, mais sa fortune y gagna peu. L’heure ne devait sonner que plus tard où cette musique, honorablement accueillie d’abord, deviendrait pour le public parisien un objet d’attraction. Il y a des musiciens qui ne réussissent que vivans, d’autres