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côtes. En janvier 1865, la marine des États-Unis comptait 671 navires, dont 440 armés, la plupart employés au blocus. Dans l’année qui avait précédé (1864), 40 navires avaient péri, à savoir : 28 par accidens de guerre, 5 par autres accidens, et 7 seulement par naufrages. Quand on pense au danger de cette navigation continuelle sur des côtes comme celles des deux Carolines par exemple, aux environs du cap Hatteras et de Charleston, où les tentatives des coureurs de blocus étaient les plus actives, ce chiffre de sept naufrages seulement en un an est fort éloquent et fait un juste éloge de l’habileté nautique des officiers et des équipages américains. Une fois le cordon de bâtimens, presque tous à vapeur, établi le long du littoral, le blocus était devenu à peu près impossible à forcer, excepté sur deux ou trois points spécialement favorisés par la nature pour ce genre d’expéditions. Tels étaient Charleston et Wilmington sur la côte des Carolines, et Mobile dans le golfe du Mexique. Encore sur ces points-là ne pouvait-on espérer de pénétrer que la nuit et avec des navires à vapeur d’une marche supérieure. C’était donc la nuit que le garde-côte devait les poursuivre à toute vapeur au milieu des bancs et des brisans dont ce littoral est semé. A chaque tentative d’un coureur de blocus, il y avait là des dangers sérieux à braver pour un résultat toujours fort incertain. Bien que l’escadre de blocus ait pris ou détruit environ cent soixante-dix de ces blockade-runners, il en passait impunément un certain nombre, et l’on peut dire que de nos jours, avec les facilités que donne l’emploi des navires à vapeur et les bénéfices énormes que présente généralement la violation d’un blocus, la marine la mieux organisée ne saurait le rendre impossible à forcer.

Voici du reste comment les choses se passaient devant Wilmington et Charleston, les deux ports où le blockade-running a eu le plus d’activité et de succès. Ce commerce hasardeux était entièrement aux mains des Anglais. Il a procuré au commencement de grands bénéfices et amené vers la fin de la guerre bien des ruines ; mais il a incontestablement donné une forte impulsion à l’industrie des constructions navales en Angleterre. Quiconque parcourait la Clyde aux environs de Glasgow au printemps de 1864 pouvait voir les rives du fleuve couvertes de navires en construction de formes et d’apparences à peu près identiques. C’était toujours des bâtimens en fer ou en acier d’une finesse de formes admirable. Des machines à roues d’une grande puissance leur donnaient des vitesses exceptionnelles. On les peignait en gris pour les rendre moins visibles la nuit ; deux courtes cheminées s’élevaient seules au-dessus du pont. Pas de mâts, pas d’agrès ; à bord, aucun aménagement, aucun logement, rien qui pût ajouter le moindre poids à