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amiraux fédéraux. La première tentative fut faite contre le New-Ironsides, grande frégate cuirassée de 3,500 tonneaux, assez semblable à la Gloire, par un lieutenant confédéré, qui, monté sur un petit bateau à vapeur en forme de cigare, alla l’attaquer, au milieu de la nuit, au large de Charleston. Bien qu’il fût arrivé le long du bord sans être découvert et que l’explosion se fût faite, il n’y eut pas d’autre dommage que la mort de l’officier, de quart de l’Ironsides et la perte du torpedo-boat, coulé lui-même par la colonne d’eau. Le Minnesota, le Wabbash, le Memphis, furent successivement attaqués de même par des torpedoes-boats en forme de cigares, surnommés en Amérique des Davids, mais ils échappèrent, grâce le plus souvent à l’extrême vigilance avec laquelle on se gardait, et à la promptitude avec laquelle, à la moindre alarme, on était sous vapeur. Le Housatonic, grande corvette à hélice, fut moins heureux. Le 17 février 1864, il était paisiblement à l’ancre au large de Charleston, sur la ligne extérieure des croiseurs. Il faisait nuit, tout était tranquille à bord, lorsque, « vers huit heures quarante-cinq du soir, dit le rapport qui mérite d’être cité, l’officier de quart aperçut quelque chose qui se mouvait, dans l’eau vers le navire à environ 100 mètres ; on eût dit une planche glissant sur l’eau. Cela vint directement vers la corvette et en deux minutes fut le long du bord. Pendant ce temps, la chaîne avait été filée, la machine mise en marche en arrière et l’équipage appelé au poste de combat. Environ une minute après, l’explosion a eu lieu, et le navire, s’enfonçant par l’arrière, s’est incliné sur bâbord et a coulé. »

Heureusement le - temps était beau, et la mer peu, profonde ; l’équipage put, sauf deux officiers et quelques hommes qui se noyèrent, se sauver dans la mâture. Mais quelle promptitude de destruction ! Et jusqu’ici il n’existe aucun moyen de se soustraire à ce danger, qui à la première guerre menacera partout les navires de combat grands et petits ! Il suffira d’un tonneau de poudre bien placé, d’un pétard apporté au milieu d’une nuit sombre par un homme déterminé, pour « envoyer par le fond » toute la force navale, tous les millions que représentent des navires tels que le Solferino ou le Warrior, sans compter les centaines d’êtres humains qui les monteront !

Jusqu’ici, nous ne nous sommes occupés que du blocus, qui a été la principale tâche de la marine fédérale, et nous avons montré comment elle y a pourvu. Les chiffres mieux que toutes nos paroles témoigneront de l’efficacité de ses opérations : le nombre total des prises au 1er novembre 1864 s’élevait à 1,262 navires, dont la vente avait produit 72,000,000 de francs ; mais ce blocus, quelque utiles qu’en fussent les résultats, ne valait point la conquête et l’occupa-