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ce service va jusqu’à l’horreur, et qu’ils cherchent à tout prix à s’y soustraire. Il n’est pour cela ni si petit navire ni si pénible campagne qu’on ne recherche ; c’est la plus précieuse de toutes les faveurs, c’est le bénéfice des plus hautes protections que d’éviter ce genre odieux d’embarquement, et l’on comprend aussi le mécontentement profond, le sentiment d’aigre jalousie causés par cette préférence à ceux qui n’en sont pas l’objet, lorsque surtout il est de leur destinée d’être envoyés au Mexique, ce qui en certaines saisons équivaut presque à un arrêt de mort.

De quelque côté qu’on envisage la question, il n’y a qu’inconvéniens pour un pays à charger du soin des transports sa marine militaire. Depuis longues années, cette pratique a été abandonnée des Anglais, qui nous ont précédés dans l’art de transporter les armées par mer, et à qui les guerres de la Péninsule, de l’Inde, d’Amérique, ont donné à cet égard une grande expérience. A peine ont-ils aujourd’hui un ou deux troop-ships, comme l’Himalaya, dont ils se servent parce qu’ils les ont, et qui d’ailleurs sont à leur immense flotte comme la goutte d’eau est à l’océan. Le principe formel chez eux est de ne jamais employer le navire de guerre à un service qui démoralise l’équipage, humilie l’officier, nuit à la discipline, et par suite à la valeur intrinsèque comme à la réputation de la force navale. Il en est de même, nous l’ayons déjà dit, chez les Américains. Il n’y a que les Turcs qui, comme nous, entassent encore leurs soldats sur leurs navires de guerre. Je doute que ce soit là que nous ayons à chercher des modèles.

Avec nos grandes armées et les ressources restreintes de notre marine marchande, je conçois qu’en un jour d’embarras et de grande hâte, si la mer est libre et que l’encombrement passager de la flotte de guerre soit sans inconvéniens, on s’aide d’elle pour le transport d’une masse de troupes considérable ; mais le principal de la tâche, et surtout le va-et-vient qui s’établit ensuite, devraient être toujours faits, soit par la marine de commerce, soit par une marine de transport spéciale, affectée d’une manière permanente, officiers et équipage, à ce service. Pour moi, je préférerais m’adresser à la marine marchande et aux compagnies de paquebots déjà existantes. Elles devraient avoir un certain nombre de bâtimens supplémentaires que le gouvernement affréterait, en les payant bien, pour ses transports d’hommes et de matériel. Inoccupés ou en retour, ces navires pourraient se livrer à des opérations commerciales. Ce serait un puissant moyen de favoriser le développement de la marine marchande à vapeur, qui est destinée à remplacer les anciens instrumens d’échange, » et que, pour tant de raisons, on ne saurait assez encourager. Pour les cas imprévus d’ailleurs, l’état ferait bien de garder une réserve de ces grands