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intérêts et à découvrir au souverain l’opinion des peuples. Si la liberté de la presse eût éclairé Charles XII sur sa vraie gloire, il eût mieux aimé gouverner un peuple heureux que de régner sur des états vastes, mais déserta. La liberté de la presse n’existait pas en Angleterre quand Charles Ier porta sa tête sur l’échafaud. » De telles paroles sur les lèvres de Gustave III étaient hardies, mais précisément trop hardies sans doute pour devenir autre chose qu’un brillant programme de libéralisme politique.

Disciple des économistes aussi bien que de Voltaire, Gustave III’était encore engagé dès son avènement à favoriser l’agriculture et le commerce. Il crut leur donner un nouvel essor en créant, le jour même de son couronnement à Stockholm, un ordre de chevalerie qu’il désigna du nom de Vasa, soit en souvenir du héros à la descendance duquel la nouvelle famille royale se rattachait, soit parce que le mot vasa signifie en suédois une gerbe de blé, et que ce symbole, faisant partie de l’ancienne armoirie royale, devenait facilement le significatif emblème de l’ordre nouveau. Il était dit dans les statuts, les mêmes qui sont encore aujourd’hui en vigueur sans être rigoureusement observés, qu’on ne nommerait dans cet ordre que des personnes ayant rendu de signalés services, soit par leurs écrits, soit par leur pratique, dans le domaine de l’agriculture, de la métallurgie, du commerce ou des arts, Gustave était en cela d’accord avec les maximes du XVIIIe siècle, et son institution fut fort admirée ; nous en avons le témoignage dans un petit poème composé en Suède à cette occasion par un Italien nommé Michelessi. Sous le singulier vêtement d’un langage moitié mythologique, moitié technique, ce dithyrambe nous donne, un curieux tableau de l’ardeur dont, au commencement du règne de Gustave III, la Suède était animée :


« Viens, Agriculture, déesse couronnée de fleurs et d’épis. Que Flore t’accompagne, Flore, l’amie de Linné, qui enrichit sa parure des fleurs d’Amérique cueillies à Upsal ! Sans toi, l’astre du jour n’éclairerait pas le château élevé dans cette ile fortunée (Drottningholm) où Ulrique (mère de Gustave) cultive l’arbre qui nourrit le bombyx. Ses fils déliés, nouvelle production de la Suède, deviennent sous la blanche main de Sophie (sœur du roi) ces nœuds élégans, ornemens de l’épée de son frère. De toi, divine Agpiculture, est né le Commerce, frère de la Bonne Foi ; déjà il enrichit Gothenbourg de ses dons… Le Wener et le Wetter lèvent tous deux du fond des eaux leurs têtes couronnées d’algues ; ils attendent le jour prochain qui réunira leurs bras divisés. La nature les a séparés, elle a mis entre eux de vastes terres, elle leur a opposé des rochers escarpés ; mais que ne peut l’art des Suédois ? Trolhætta, ce second Athos, verra avec effroi des vaisseaux naviguer à travers les rochers, sur le sommet escarpé des