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de Gustave III, la lettre de remercîmens adressée par le souverain pontife à ce roi hérétique, et la réponse latine que celui-ci publia.

Une habile réforme financière en 1773, puis une série d’utiles mesures législatives et administratives achevèrent de signaler heureusement la première moitié du règne de Gustave III. La vénalité de la justice, fléau qui s’était accru pendant la période des troubles civils, fut réprimée avec une sévérité rigoureuse ; mais les lois pénales furent d’ailleurs adoucies. La disette et les maladies venaient de décimer les campagnes : Gustave fit faire par les gouverneurs des provinces des distributions de blé gratuites et construisit des greniers, on interdit la mendicité et l’on fonda des établissemens de travail. Les maisons d’orphelins et les hôpitaux, confiés à l’inspection de deux chevaliers de l’ordre suprême des Séraphins, furent surveillés avec une patriotique sollicitude. Pour favoriser l’accroissement de la population, l’on affranchit de toute imposition personnelle les paysans, les journaliers, les manœuvres et les anciens soldats de terre ou de mer ayant au moins quatre enfans. Les nombreux domaines de la couronne furent affermés à bon compte et pour de longs termes ; une commission d’agriculture dut s’enquérir des ressources de chaque province et aviser aux moyens de les augmenter ; l’abolition de plusieurs fêtes ajouta jusqu’à vingt-deux journées à la somme du travail annuel ; enfin le commerce des grains fut déclaré libre. La création d’une compagnie pour la pêche de la baleine et celle de ports francs sur les côtes de Suède encouragèrent le commerce et la marine. Une meilleure exploitation des mines doubla leurs produits ; on commença de travailler en Suède le métal brut, qui jusqu’alors avait été façonné à l’étranger, et des ouvriers attirés des différens pays de l’Europe vinrent apporter divers perfectionnemens aux manufactures de fer ou d’acier. Certaines branches de l’industrie suédoise se développèrent même pendant la première partie du règne de Gustave III jusqu’au point d’exciter les inquiétudes des fabricans français.

Nous rencontrons à ce sujet dans les correspondances diplomatiques un curieux épisode qui intéresse l’histoire si peu connue de notre industrie à la veille de la révolution, et qui montre de quelles précautions jalouses elle croyait alors devoir s’entourer. Dès le commencement du siècle, un habile industriel suédois, Jonas Alströmer, avait fondé dans la petite ville d’Alingsos, près de Gothenbourg, plusieurs sortes de filatures. Ses établissemens ayant prospéré, un d’eux fut transporté, vers le commencement du règne, de Gustave III, dans un faubourg de Stockholm ; c’était une manufacture de bas de soie, qui prit bientôt, dans ces nouvelles circonstances, une extension menaçante pour notre fabrique de Lyon.