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et de la Bibliothèque royale, je pourrais dire que c’est la France entière qui rend justice à M. Tischendorf. Nous savons que par sa rare capacité, sa critique éclairée, ses importans travaux, il marque déjà parmi les plus doctes théologiens du nord de l’Allemagne. Favoriser par tous les moyens qui sont en notre pouvoir les travaux d’hommes aussi distingués, c’est à la fois servir la science et remplir les intentions généreuses du gouvernement français. » M. Hase ne dit rien de trop ; les maîtres de l’érudition et de l’histoire s’intéressaient aux travaux de M. Tischendorf. Eh bien ! celui à qui des hommes tels que M. Letronne, M. Guizot, M. Mignet, M. Alexandre de Humboldt, prodiguaient d’affectueux encouragemens, trouvera le même accueil auprès de Pie IX. « J’ai lu votre nouveau travail avec autant de joie que d’étonnement, lui écrivait un jour M. Alexandre de Humboldt ; vous savez combien j’admire l’activité de votre riche carrière. » Pie IX lui écrira dans les mêmes termes : « Quis posset immanem laborem tuum satis admirari ? »

Je n’ai pas à exposer ici le détail de ce labeur prodigieux dont le voyage à Paris ne fut que le prélude. Raconter les fouilles de M. Tischendorf dans les bibliothèques d’Utrecht, de Londres, de Cambridge, d’Oxford, ses travaux à Berne sous le patronage de l’illustre hébraïsant M. de Wette, ses découvertes dans les manuscrits de Carpentras, décrire les années fécondes qu’il traversa au milieu des richesses bibliographiques de Rome, de Naples, de Florence, énumérer les tributs que payèrent à son esprit investigateur et Venise et Vérone, et Milan et Turin, cela demanderait tout un volume. Je citerai seulement un curieux épisode de ces voyages. Le théologien de Leipzig était arrivé à Rome en 1846, et bien que recommandé par le grince royal Jean de Saxe aux cardinaux Angelo Mai et Mezzofante, par M. Guizot à M. le comte de Latour-Maubourg, ambassadeur de France, enfin par Mgr Affre au pape lui-même, il eut d’abord quelque peine à obtenir communication de certain manuscrit de la Bible, gardé sous triple clé comme le trésor du Vatican. Aux sollicitations les plus hautes, le cardinal Lambruschini opposait une résistance invincible. Le pape seul pouvait triompher des obstacles ; il était bien temps de lui présenter la lettre de l’archevêque de Paris. M. Tischendorf fut admis enfin auprès du saint-père. C’était le pape Grégoire XVI ; la scène se passe quelques mois seulement avant sa mort.


« La diplomatie dut s’en mêler. L’ambassadeur de France était tout disposé, sur la recommandation de M. Guizot, à prendre l’affaire en main. Il fut prévenu par le chargé d’affaires saxon, M. Platner, connu aussi dans le monde des lettres par son livre sur Rome. M. Platner avait bien le droit de