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ne veux pas m’exposer au danger d’une fausse prophétie ; mais il paraît certain que les radicaux, qui sont l’aile avancée du parti républicain, n’ont aucune chance de succès. Leur candidat préféré est le général Fremont, surnommé le pathfinder ou le trouveur de chemins, à la suite d’une exploration des Montagnes-Rocheuses, et qui fut en 1856 le candidat du parti républicain contre M. Buchanah. M. Fremont, qui est le représentant des maximes de la centralisation européenne, est regardé ici comme un révolutionnaire, car, soit dit en passant, le radicalisme est européen en Amérique, s’il est américain en Europe. Il a de nombreux partisans dans les populations allemandes de l’ouest, récemment venues de la mère patrie, et plus sensibles aux idées absolues qu’aux prudences de la politique. M. Chase, qui est l’autre candidat possible des abolitionistes et qui certainement vise à la présidence, convient peut-être mieux à une fraction plus ancienne et plus nationale du parti. Dans tous les cas, ces candidatures radicales ne sont bonnes qu’à servir les démocrates en divisant à leur profit le grand parti républicain.

Les démocrates sont en théorie les partisans des states-rights. Ils doutent de la justice de la guerre, inclinent à l’indépendance des états rebelles, et recommandent la paix avant tout. Ils ont Cour chefs les hommes les plus influens et les plus riches des villes, pour armée la plèbe irlandaise, et pour alliées les populations des états déjà reconquis. On les distinguait jadis en démocrates de la paix et démocrates de la guerre (peace democrats et war democrats). Ces derniers, qui ne poussaient pas jusqu’au mépris de l’Union la vénération des states-rights, se confondent prèsque avec les républicains. Les peace democrats au contraire se rapprochent du sud, et la paix quand même devient de plus en plus leur politique. En réalité, beaucoup de démocrates sont des sudistes égarés dans le nord et obligés de servir la cause d’une majorité qu’ils détestent. Ils affectent d’être dévoués à l’Union ; mais leur joie éclate lorsqu’ils disent : « Nous sommes battus. » Craignant d’avouer leurs sympathies, ils récriminent sans dire précisément quelle politique ils veulent suivre. Aussi leur a-t-on donné le nom d’un serpent venimeux qui mord sans bruit, le copperhead

A vrai dire, les démocrates n’ont pas encore de candidats. On se répète le nom du général Mac Clellan comme celui du Messie inconnu qui doit surgir à la dernière heure ; mais ce candidat représente imparfaitement les démocrates, et rien mieux que ce choix timide ne dénote leur faiblesse. Quand le général partagerait leurs secrètes pensées et ne serait pas sincèrement dévoué à l’Union, pour laquelle il a combattu, sa situation, Bon passé, son opinion, déclarée hier encore à West-Point dans un discours officiel, lui interdi-