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on savait que l’Autriche et la Russie répugnaient à cette manifestation du « droit nouveau, » et il parut utile d’introduire cette première et légère divergence entre trois cabinets qui ne s’entendaient que trop. Dans la situation générale créée par la politique anglaise de 1863 et la situation spéciale qu’on s’était faite à soi-même par la circulaire qui avait déclaré le traité de 1852 « une œuvre impuissante, » c’était là peut-être en effet la seule attitude qu’on avait à prendre. Elle ne fut cependant ni des plus commodes ni des plus pratiques, et tandis que toutes les autres puissances arrivaient au meeting diplomatique de Londres avec une pensée ou du moins avec une arrière-pensée très claire et très précise, la France y apportait un sine ira et studio qui sied mieux assurément à ceux qui écrivent l’histoire qu’à ceux qui la font.

« La conférence de Londres a duré six semaines, juste l’espace d’un carnaval, et ce fut en effet une affaire de masques et de mystifications, » disait M. Disraeli dans son étincelant discours du 4 juillet 1864. En train de faire des épigrammes, le caustique orateur aurait pu ajouter que le « carnaval » fut cette fois précédé, au lieu d’être clos, par une véritable descente ; de la Courtille : nous voulons parler de cet excentrique « pèlerinage de Stafford-House » qui eut lieu à la veille même de la conférence et contribua à la retarder. Quelle ironie du destin que l’enthousiasme des Anglais pour Garibaldi et pour le peuple qu’avait affranchi la France à l’heure même où la Grande-Bretagne s’apprêtait à abandonner si lestement le Danemark, son client et son protégé ! Que de bouffonne impertinence aussi dans la naïveté avec laquelle John Bull se disait et se laissait dire à ce moment que c’est à lui qu’était due la résurrection de l’Italie ! Et quelle amusante réminiscence de la Buona sera du Barbier que la brusque fin de toute cette pièce grotesque, l’accord des gentlemen pour faire entendre tout à coup au lion qu’il était malade, pour le renvoyer au plus vite à Caprera, dès que l’on sut que certains représentans des puissances commençaient à prendre ombrage, et que l’enthusiastic exhibition pourrait nuire aux négociations !… Ce n’est qu’après le départ de Garibaldi que les plénipotentiaires se réunirent et inaugurèrent la conférence (25 avril). Les trois premières séances (25 avril, 8 et 9 mai) furent exclusivement consacrées à la question de l’armistice. Il se trouva que les plénipotentiaires allemands manquaient à ce sujet d’instructions ; ils durent en référer à leurs gouvernemens respectifs, et en attendant « les alliés » prenaient d’assaut Düppel, s’emparaient de Fridericia, finissaient d’investir complètement le Jutland jusqu’à la baie de Limfjord. Pour faire hâter l’envoi des instructions, la flotte du canal dut jeter l’ancre aux Dunes : on les reçut enfin, et un armistice fut conclu (9 mai) pour un mois. Le Dane-