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de prédire à l’heure qu’il est. Le cabinet actuel a présenté avec sévérité au corps électoral les difficultés de la situation financière. Nous croyons qu’il a honnêtement agi en cela et habilement. Pour surmonter les difficultés financières, deux systèmes se proposent : l’un consisterait à augmenter les impôts, l’autre chercherait des ressources extraordinaires dans une appropriation complète des biens du clergé à l’état. Le système sérieux et viril serait celui que préfère le ministre des finances actuel, l’augmentation des impôts ; mais il ne faut point se dissimuler que c’est aussi le plus impopulaire. Un inconvénient grave de l’appropriation des biens du clergé, c’est qu’elle élèverait un grand et nouvel obstacle à tout rapprochement entre le pape et le gouvernement italien. Cependant une autre échéance approche, celle de l’exécution du traité du 15 septembre par la France. Déjà nous annonçons notre mouvement d’évacuation de Rome, et il serait d’un éminent intérêt que les relations fussent rétablies entre le cabinet de Florence et la cour pontificale avant que la France ait retiré des états romains son dernier soldat. E. FORCADE.




THÉÂTRE-ITALIEN.

Le Théâtre-Italien, qui a depuis quelques années déjà pris l’habitude de ne plus attendre le retour de sa clientèle traditionnelle pour commencer sa campagne d’hiver, a fait sa réouverture le 2 octobre. L’œuvre choisie pour cette occasion était Crispino e la Comare, cet opéra bouffe des frères Ricci qui a si heureusement couronné la saison précédente et a été pour tout le monde une si gracieuse surprise.

Oui, vraiment une surprise, puisqu’il nous a ramenés à l’improviste à des spectacles dont nous étions déshabitués et à un genre musical que la plupart d’entre nous croyaient trépassé. Qui donc songeait encore au genre bouffe ? La transformation opérée dans la musique italienne par le maestro Verdi, la domination exclusive et puissante qu’il exerce depuis déjà vingt ans sur les théâtres lyriques, — vingt ans, un peu plus que la portion du temps appelée par l’historien ancien un grand espace de la vie humaine, — avaient peu à peu chassé de notre esprit toute croyance à l’existence actuelle ou au retour possible de ce genre, la fleur la plus gaie qui soit éclose de l’âme lumineuse de l’Italie. Pour les nouvelles générations, l’opéra bouffe n’était déjà plus qu’une sorte de produit archaïque dont elles allaient écouter les échantillons consacrés par l’admiration des générations précédentes, comme on va en toute confiance admirer dans un musée des morceaux de peinture et de sculpture dont la réputation est désormais immuable. Depuis longues années déjà, n’est-il pas vrai qu’on allait entendre le Mariage secret ou même le Barbier de Séville comme on lit un chant de l’Arioste ou du Tasse, bien plus dans le désir d’amuser