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et nous espérons qu’un jour M. Daremberg la donnera tout entière. Ici nous n’en trouvons qu’un abrégé. Chaque fragment ou chaque chapitre est une peinture de l’état de la médecine à une époque différente. Qu’importe que chacun de ces chapitres soit fait tantôt à propos d’un livre nouveau, tantôt d’une réimpression, tantôt d’un personnage historique ? La diversité n’a pour effet que de varier le ton et le point de vue ; les procédés et les opinions sont partout les mêmes. Au lieu de s’y instruire seulement de la succession des systèmes médicaux, le lecteur apprend à connaître les auteurs et les livres.

Quelles sont les opinions de M. Daremberg touchant les théories médicales de notre temps ou, pour mieux dire, de tous les temps, car, quoique M. Claude Bernard rajeunisse la science, les querelles de Cos et de Cnide divisent encore aujourd’hui les écoles ? Il s’agit toujours de savoir si l’organisme est malade ou si un organe est physiquement altéré, si la maladie peut être conçue comme un être particulier qui attaque le corps humain, ou si ce corps est un composé de principes immédiats qui changent de composition. On peut dire en ce cas qu’il n’y a point de médecine proprement dite, qu’il y a seulement une pathologie médicale. M. Daremberg partage ce dernier avis sans se montrer absolu. On doit convenir en effet, fût-on un médecin de Montpellier, que l’organisation n’est pas affectée si aucun organe n’est malade, et réciproquement que l’économie entière se ressent d’une maladie locale. Ces discussions, qui ont tant agité et irrité, n’ont du reste nul inconvénient lorsqu’elles ne se compliquent pas de métaphysique et de religion. Alors non-seulement le problème est moins clair, mais des médecins timorés n’osent prendre un parti que d’autres médecins plus timorés, ou au contraire trop hardis, ont déclaré matérialiste, immoral, athée ou rationaliste. Ainsi les homœopathes sont dévots, et les vrais élèves de l’école de Paris n’ont pas si bonne réputation. M. Daremberg blâme ces distinctions, et, tout spiritualiste qu’il soit, trouve qu’en médecine il faut seulement observer et déduire sans s’inquiéter de l’âme immortelle plus que ne le ferait un vétérinaire, car c’est le corps qu’on doit guérir. Il est de l’école de M. Rostan, l’un des maîtres de l’art moderne. La médecine doit être positive, et sur ce point la révolution tentée par Auguste Comte n’est pas attaquable. Ce savant ne se trompe que lorsque, cessant d’être positif, il est systématique. Il a tenté de faire une philosophie, et la conclusion de ses principes était précisément d’exclure toute philosophie. Pour la médecine, le positivisme est excellent comme pour la chimie, la physique ou la physiologie ; il représente ce que, moins scientifiquement, on appellerait le sens commun.

Les opinions de M. Daremberg, éparses dans tout le volume, sont exposées dans l’introduction à propos des ouvrages de M. Chauffard et de M. Rostan. Le chapitre suivant traite de l’ouvrage de M. Ménière, et il en résulte une exposition de l’état de la médecine sous la république romaine. C’est dans les poètes latins que M. Ménière a cherché des observations