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veil. Nous savons par Tertullien qu’un prêtre assistait aux funérailles ; la religion consacrait les tombeaux. Au temps de la persécution de Dèce, le clergé romain, écrivant à celui de Carthage, lui rappelait qu’il n’y avait pas de devoir plus important que de donner la sépulture aux martyrs et aux autres chrétiens. Le trésor de l’église était dépensé à faire vivre les pauvres et à les enterrer convenablement. Enfin saint Ambroise reconnaît que pour la sépulture des fidèles on a le droit de briser, de faire fondre et de vendre les vases sacrés. Ces textes expliquent la construction des catacombes. Quand on sait le respect que les premiers chrétiens témoignaient pour leurs morts, on s’étonne moins des gigantesques travaux qu’ils ont entrepris pour les ensevelir.

Mais est-il bien vrai que ces travaux leur appartiennent ? Les catacombes sont-elles véritablement un ouvrage chrétien ? La question est discutée et mérite de l’être. Au siècle dernier, il ne manquait pas d’incrédules qui niaient la réalité des découvertes de Bosio et de Boldetti. Quand on leur disait que les catacombes étaient les cimetières des premiers chrétiens, ils demandaient qui avait fourni à une société petite et pauvre les sommes nécessaires pour percer 900 kilomètres de galeries souterraines, de qu’on avait pu faire de la terre qu’on en avait tirée, et comment un culte proscrit avait eu l’audace de fouiller ainsi le sol aux portes de Rome et sous les yeux de ceux qui le persécutaient. Ces objections parurent sans réplique à la plupart des savans, elles troublèrent même les plus intrépides défenseurs des catacombes. Aussi crurent-ils bien faire de supposer, pour y répondre, qu’elles étaient d’anciennes carrières d’où les Romains avaient longtemps extrait la pouzzolane. Les chrétiens les avaient trouvées abandonnées, et, pour en faire leurs cimetières, ils n’avaient eu besoin que de creuser dans la muraille les niches horizontales qui devaient recevoir les morts. L’existence de ces carrières n’était pas une hypothèse ; elle est attestée par les écrivains anciens. Cicéron parle d’un homme qui y fut assassiné de son temps, et Suétone rapporte que, comme on voulait persuader à Néron de s’y réfugier, il déclara qu’il ne voulait pas s’enterrer vivant. Puisqu’elles étaient un lieu secret, où les gens qui se cachaient pouvaient trouver un asile, elles convenaient aux chrétiens pour y célébrer leurs mystères et y enfouir leurs morts. Bottari fait remarquer qu’il leur était facile de les connaître. Leur religion se propagea d’abord parmi les pauvres gens et les esclaves, c’est-à-dire parmi ceux qu’on employait à les creuser. C’étaient autant de guides qui pouvaient conduire leurs frères dans les détours des galeries abandonnées. Cette opinion paraissait donc parfaitement vraisemblable ; elle avait l’avantage de fermer la bouche aux incrédules ; aussi fut-elle religieusement acceptée de tout le monde pen-