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romaine, et auxquels leur forme a fait donner le nom de colombiers (columbaria), n’avaient pas une autre origine. Ils ont été construits par des sociétés d’ouvriers ou d’esclaves, qui souvent étaient fort nombreuses, puisqu’un de ces columbaria contient 600 urnes funèbres. Voici d’ordinaire comment procédait la société[1]. Après qu’elle avait obtenu l’autorisation de se former, et qu’elle s’était recrutée parmi les pauvres gens en quête d’une sépulture, obéissant à ces instincts d’ordre et de gouvernement qui étaient familiers à la race romaine, elle se constituait régulièrement, elle se divisait en décuries qui se choisissaient chacune un décurion. Ces décurions, on le comprend, n’étaient pas de grands personnages. On trouve parmi eux des maçons et des barbiers, En général, ce sont les affranchis qui font surtout bonne figure, dans ce petit monde ; ils sont plus riches que les autres, ils font des générosités à leurs confrères, que ceux-ci reconnaissent en complimens et en dignités. La caisse commune, formée par les cotisations des associés, est administrée par des questeurs, et au-dessus de ces dignitaires d’ordre différent on élit un ou plusieurs directeurs qu’on appelle magistri ou curatores. C’est, comme on voit, une hiérarchie complète. Le bâtiment qui devait contenir les sépultures était construit par les soins des directeurs, avec l’argent du trésor commun. Quand il avait été approuvé par les associés, on en faisait la dédicace, cérémonie qui, selon l’usage, était l’occasion de bruyans dîners. Ensuite les places étaient tirées au sort, et l’on écrivait provisoirement le nom du propriétaire sur celle qu’il devait occuper définitivement plus tard. Tout le monde ne contribuait pas également à la dépense ; nous dirions, dans la langue d’aujourd’hui, qu’on prenait, selon sa fortune, plus ou moins d’actions dans l’entreprise. Aussi avait-on droit à plus ou moins de places quand l’édifice était achevé. Ces places étaient la propriété de celui qui les avait achetées. Il pouvait à son gré les garder, les donner ou les vendre, en faire des spéculations ou des charités ; personne ne le gênait dans l’exercice de son droit. Sous les deux formes que je viens d’indiquer, les sociétés pour les funérailles prirent un grand développement à Rome pendant le règne des premiers césars. Septime Sévère étendit à l’Italie et aux provinces les privilèges dont elles jouissaient dans la capitale de l’empire. Elles furent plus particulièrement soutenues par Alexandre Sévère, qui protégea les anciennes et en forma de nouvelles, et l’on peut dire qu’en ce moment elles couvraient le monde entier.

Je n’ai pas besoin de faire remarquer les facilités que ces associations offraient aux chrétiens pour obtenir la possession tranquille

  1. Les détails qui suivent sont tirés d’un mémoire très intéressant de M. Heuzen sur un columbarium découvert récemment à Rome. Voyez les Annales de l’inst. de corresp. arch. de Rome, 1856, p. 8.