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DES PROGRES
DE
LA CHIMIE ORGANIQUE

L’histoire des sciences présente des révolutions analogues à celles que nous offre l’histoire des sociétés. La domination scientifique, comme la domination politique, a tour à tour passé d’une province à une autre. Telle partie de la science qui n’était à l’origine qu’une chétive principauté, un coin de terre, agrandie par des conquêtes successives, est arrivée à constituer un vaste royaume ; telle autre partie comprenant d’abord un territoire étendu, graduellement rétrécie dans la suite, a fini par ne plus former qu’un simple canton. Il est même de ces provinces de la science qui, par le progrès des idées, ont été totalement effacées de la carte, — la magie et l’astrologie par exemple. Dans le principe, la philosophie embrassait presque tout le champ des sciences de calcul et d’observation, elle prétendait expliquer à la fois les lois du monde physique et celles du monde moral, elle enseignait quelle était l’essence divine, la nature des êtres créés ; elle cherchait à pénétrer le mystère de leur origine et de leur destinée. Cet empire quasi universel subit de nombreux démembremens, la philosophie se vit enlever une à une ses principales provinces, et, ainsi que cela s’est produit pour l’empire romain, il ne reste plus guère aujourd’hui de son antique domination que sa capitale, réduite au tiers de son étendue antérieure.

Entre les sciences qui se sont détachées de cette métropole primitive de l’esprit humain, la chimie est à coup sûr l’une de celles dont les commencemens furent le plus modestes. Elle composa ses états d’une province très circonscrite de l’empire philosophique, à