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entrent toujours dans une proportion constante pour chaque espèce respective.

Deux autres lois qui complètent celles des proportions définies, la loi des proportions multiples et la loi des équivalens, appliquées aux matières inorganiques, furent reconnues applicables aussi aux matières organiques. Il fut constaté que, si deux élémens organiques s’unissent en plusieurs proportions et que le poids de l’un d’eux demeure constant pour les différens composés, les poids de l’autre seront des multiples simples les uns des autres »,On s’assura aussi que dans le règne organique les rapports des poids suivant lesquels s’unissent entre eux deux corps simples sont les mêmes que les rapports suivant lesquels ils s’unissent à tous les autres corps.

Un rapprochement nouveau entre les deux, règnes organique et inorganique résulta donc de la généralité de ces diverses, lois. On comprit que non-seulement les élémens formateurs sont les mêmes, mais que pour les substances organiques et les substances inorganiques il y a la même loi de proportionalité dans l’union des molécules. Le végétal et l’homme, envisagés matériellement, ne sont donc au fond qu’un laboratoire vivant qui puise les produits chimiques dont il se sert dans toute la nature ; les substances simples obéissent dans l’organisme aux mêmes règles que celles qu’elles suivent ailleurs.

Si la constatation de ce fait curieux renversait le mur de séparation infranchissable qu’on croyait d’abord dressé entre les deux règnes, elle n’en laissait pas moins subsister cet autre fait, que les substances organiques, une fois formées d’élémens inorganiques, affectent des caractères spéciaux, et que, douées d’une certaine stabilité due à la vie ou à la végétation, elles conservent, en face de corps inorganiques composés d’élémens semblables, leurs propriétés spéciales. Ces corps organiques, qu’on ne connut d’abord qu’en petit nombre, mais dont la liste ne cesse de s’accroître, demeuraient aux yeux de bien des gens un monde à part, sans rapport avec la nature inorganique, affectant des formes et présentant des propriétés générales d’un ordre très différent de celles des substances d’origine purement minérale.

Ce contraste que semblaient offrir les deux règnes ne tarda pas à devenir de moins en moins prononcé. La nature organique mieux étudiée donna bientôt des corps dont la physionomie et le rôle répondaient d’une manière frappante à d’autres corps propres au règne inorganique. On sait qu’il existe dans les matières minérales deux classes bien tranchées de corps binaires, autrement dit de corps formés de deux élémens dont l’un est toujours l’oxygène, le plus important et le plus général de tous les élémens de la nature,