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En soumettant à une analyse de plus en plus délicate ce produit du pavot, on y constata la présence de six de ces alcalis, la morphine, obtenue en 1816 par Sertürner, la codéine, la thébaïne, la narcotine, etc. D’autres alcalis furent fournis par les quinquinas, par des plantes de la famille des solanées, des ombellifères et diverses matières d’origine organique. MM. Pelletier et Caventou ont attaché leur nom à la découverte des plus importans de ces composés. Les alcalis végétaux, liquides ou solides (on n’en connaît point de gazeux), ne sont pas des corps binaires comme les alcalis minéraux, comme l’ammoniaque, avec lesquels plusieurs d’entre eux offrent une assez grande analogie ; ce sont des corps quaternaires composés d’hydrogène, d’oxygène, de carbone et d’azote : ils agissent d’une manière énergique sur l’économie animale et sont pour la plupart des poisons violens ; mais la médecine, en les administrant à petite dose, en tire un heureux parti.

La preuve la plus décisive de l’identité de caractères généraux des acides et des oxydes des deux règnes nous est donnée par ce fait, que les acides organiques s’unissent aux oxydes minéraux, comme les acides d’origine minérale, et constituent des sels fort répandus, que les alcalis se comportent à la fois à l’égard des acides organiques et des acides minéraux comme de véritables bases salifiables. On n’a pas seulement retrouvé dans le règne organique les deux classes de corps ; on est encore arrivé, en traitant des principes ou des composés tirés soit de matières végétales, soit de matières animales, à en produire d’artificiels. Les mêmes procédés, les mêmes méthodes qui avaient permis de fabriquer des corps inorganiques nouveaux, ont mené à la découverte d’une foule de composés appartenant au monde organique, et dont plus d’une fois on a ensuite constaté la présence dans la nature. L’apparition de ces produits artificiels, dont le nombre augmente tous les jours, a établi un nouveau trait d’union entre les deux règnes, puisqu’on les obtient en faisant intervenir simultanément les principes des deux chimies. L’analogie entre les matières organiques artificiellement produites et les matières minérales correspondantes se décèle jusque dans le mode d’après lequel les réactions s’accomplissent. Les acides et les alcalis que l’on fabrique manifestent immédiatement, soit par affinité simple, soit par affinité résultante, les propriétés caractéristiques des élémens unis à ceux qu’ils renferment. Ainsi c’est par la fixation de l’oxygène sur des élémens hydro-carbonés que l’on constitue presque tous les acides organiques ; les alcalis participent des propriétés de l’ammoniaque, qui sert à les produire ; c’est également aux élémens générateurs que les radicaux métalliques composés doivent leurs caractères les plus frappans, en sorte que, quelles que soient la variété de tous ces composés et la mobilité relative de leurs