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à priver un composé quaternaire d’abord de son azote et à le ramener par là à n’être plus qu’un composé ternaire ; puis on élimina l’oxygène de telle façon qu’on n’eût plus qu’un composé binaire d’hydrogène et de carbone, ou, comme l’on dit, un carbure d’hydrogène. Le carbure à son tour, soumis à l’influence d’une température très élevée, fut séparé en ses deux élémens, et on obtint ainsi isolément le carbone et l’hydrogène.

On le sait toutefois, ce n’est pas seulement par les élémens, par la nature des unités matérielles, que les matières d’origine organique diffèrent ; c’est encore et surtout par la quantité de ces élémens ou unités, par la proportion des volumes en un mot. Bien des substances organiques sont exactement composées des mêmes élémens, mais elles diffèrent par la proportion de ceux-ci ; altérez quelque peu cette proportion, et vous donnerez naissance à une autre substance. A volumes égaux par exemple, deux gaz que fournissent les matières organiques peuvent contenir deux fois, quatre fois, vingt fois plus de carbone l’un que l’autre. Le carbone est ainsi plus condensé dans l’un des gaz que dans l’autre. Eh bien ! de même que l’on était parvenu à éliminer d’un composé quaternaire un, puis deux élémens, on parvint à enlever à un composé successivement un ou deux volumes, quelquefois plus, d’un de ses composans, et à diminuer par là graduellement la condensation de cet élément formateur. Si on dresse une échelle des carbures d’hydrogène au haut de laquelle se placent ceux où le carbone est le plus condensé, et qui d’échelon en échelon fasse descendre jusqu’à ceux où il l’est le moins, on verra que par des décompositions successives il est possible d’arriver d’un des carbures les plus riches en carbone à celui qui en est le moins pourvu. L’analyse, en établissant la faculté de descendre l’échelle de composition, faisait donc entrevoir la possibilité de la remonter. Il fallait rechercher des procédés inverses ; autrement dit, il fallait recourir à la synthèse, qui est l’inverse de l’analyse. Puisque des matières organiques étaient déjà sorties des laboratoires artificiellement fabriquées par décomposition, on était fondé à espérer qu’on en pourrait fabriquer d’autres en suivant dans une direction opposée la voie que l’analyse avait tracée. Il fallait d’abord recomposer les carbures d’hydrogène, point de départ, comme l’avait déjà vu Aug. Laurent, de tous les composés organiques, puis, par l’addition d’un élément nouveau et la condensation ou l’élimination de ceux qu’on avait déjà combinés, arriver aux substances ternaires, pour de là s’élever, s’il était possible, à ces matières végétales ou animales quaternaires, telles que les alcalis végétaux, la fibrine, l’albumine, etc.

Cette méthode, il ne suffisait pas de la concevoir ; on devait encore l’appliquer, et l’application offrait de graves difficultés tenant