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rait encore dire aux chimistes : Vous refaites l’œuvre de la création, soit ; les moyens toutefois que vous employez sont autres, et vous ne nous éclairez pas en réalité sur l’action de la nature. M. Berthelot a répondu d’avance à cette objection en termes qui méritent d’être cités. « A la vérité, écrit-il, les principes que nous obtenons d’abord dans nos synthèses artificielles sont bien différens des principes qui se manifestent dans la synthèse végétale. Les premiers sont très simples et peu condensés, tandis que l’organisation végétale tend à engendrer les composés organiques dans l’état de condensation le plus élevé et dans l’état de complexité le plus grand possible. Ainsi l’amidon, la cellulose, les principes ligneux, sont des composés très condensés, qui paraissent résulter de l’accumulation d’un grand nombre d’équivalens des principes sucrés, combinés les uns avec les autres ; l’albumine, la fibrine et les principes azotés analogues sont également des substances complexes et condensées, comparables aux amides et formées probablement par la réunion d’un certain nombre de principes plus simples. Il en est de même des corps gras naturels. On peut ici préciser davantage les idées, parce que la synthèse a éclairé complètement la constitution de cette classe générale des composés. Or la synthèse prouve que la plupart des corps gras naturels, tels que la stéarine, l’oléine, etc., représentent l’état de combinaison le plus avancé auquel puisse parvenir un dérivé glycérique. Dans les êtres vivans, nous ne rencontrons guère de corps gras formés en vertu de ces combinaisons intermédiaires que l’art nous apprend à obtenir d’abord, avant de parvenir jusqu’aux combinaisons complètement saturées. Ce sont là des circonstances remarquables et caractéristiques de la synthèse végétale ? mais il est facile de montrer qu’elles n’établissent aucune distinction radicale entre la synthèse naturelle et la Synthèse artificielle. Toute la différence tient aux conditions dans lesquelles nous nous sommes placés jusqu’à présent pour réaliser nos formations. »

La nature tire d’ailleurs les substances organiques des mêmes sources auxquelles les chimistes les empruntent dans les expériences de leurs laboratoires. Ceux-ci en effet mettent en œuvre l’eau et l’acide carbonique, et c’est précisément l’acide carbonique et l’eau qui fournissent aux végétaux et aux animaux le carbone et l’hydrogène, qu’ils renferment. Par le concours de la lumière solaire et des parties vertes des végétaux, l’acide carbonique et l’eau sont décomposés ; autrement dit, par le fait de la respiration végétale, l’eau passe à l’état d’hydrogène, et l’acide carbonique à l’état d’oxyde de carbone. Eh bien, si ce n’est pas sous l’influence de la lumière que le chimiste réalise la combinaison réciproque du carbone et de l’hydrogène dans la synthèse d’un produit organique, du gaz des marais par exemple, c’est pourtant aussi en réduisant