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deux ans dans une abstention à peu près complète d’où il ne sait comment sortir. Il est travaillé de profondes divisions, envenimées par les animosités personnelles. Entre le duc de la Victoire, resté le chef passablement inactif de la masse de l’opinion progressiste, et M. Olazaga, qui ambitionne d’être chef à son tour, ou le général Prim, qui ne demanderait pas mieux, que de les remplacer l’un et l’autre, il y a d’amers ressentimens que rien n’a pu apaiser. Et de plus ces vieilles fractions progressistes sont déjà dépassées par un jeune parti démocratique dont la raison d’être au-delà des Pyrénées n’est pas très saisissable, mais, qui se remue, s’étend, fait sentir son action, quoiqu’on lui refuse le droit de vivre légalement et même de s’appeler de son nom. Le parti progressiste n’a point compris que se retirer systématiquement de la scène pour un prétexte léger et dans les cas accidentel, pour une circulaire plus ou moins restrictive d’un, ministre qui était au pouvoir il y a deux ans, et persister dans sa retraite après que le prétexte a disparu, c’était ou livrer sa fortune à l’éventualité d’une révolution, ou avouer son impuissance en dissimulant ses divisions sous le voile d’une abstention calculée. Le parti modéré aurait pu sans doute profiter de cette éclipse des progressistes ; mais où en est de son côté le parti modéré lui-même ? Vaincu en 1854, il a retrouvé une apparence d’ascendant, il n’a pas retrouvé la cohésion. Il va de démembremens en démembremens, il ne peut se mouvoir sans se pulvériser. Les uns se sont repliés, vers la réaction pure et ont formé un parti néo-catholique qui n’a vraiment rien de nouveau, qui n’est tout simplement que l’ancien carlismen un absolutisme religieux et politique avec M. Nocedal pour pontife et M. Aparici pour acolyte dans le congrès. D’autres, moins absolus, mais aussi peu éclairés par les événemens, ne trouvent rien de mieux, que de renouer les traditions d’il y a quinze ans, de recommencer le passé, de s’en tenir strictement aux programmes d’autrefois : ils s’appellent le parti modéré historique. Un petit nombre d’hommes plus jeunes et d’esprit plus ouvert ont levé hardiment le drapeau d’un parti conservateur, retrempé aux sources libérales, et, chose curieuse aujourd’hui, c’est M. Gonzalez Bravo, le ministre de l’intérieur du dernier cabinet, qui a été pendant cinq ans le promoteur le plus passionné, le plus éloquent de ce parti nouveau, de cette nécessité du rajeunissement de l’opinion conservatrice par le libéralisme.

De cette poussière des anciens partis enfin est née l’union libérale, qui a trouvé son chef dans le général O’Donnell, et qui vient de reconquérir le pouvoir après l’avoir perdu il y a deux ans ; mais quelle est la politique de l’union libérale elle-même ? C’était sans doute une idée heureuse de créer dans le désordre croissant des